Percussions.org

[Jimmy B]

[« Adjágas » | Adjágas | CD Audio. 2007 | Label Ever Records/Pias]

Germe de folk et de pop-rock anglaise, ponctué par les racines ancestrales des chamanes, le premier disque du groupe norvégien, Adjágas, ne manque ni de fraîcheur ni d'intérêt. Les voix saisissantes de Sara Marielle Gaup et de Lawra Somby invitent l'assistance en Laponie. Profondément ancrés dans la terre de leurs ancêtres, ces enfants du peuple saami se démarquent pourtant de leur ethnie originelle. Ils guident leurs rites du grand nord européen pour une migration douce vers une musique moderne et inimitable.

Guitare électroacoustique, banjo, ukulélé, clavier, cuivres, triangle ou batterie, les arrangements de l’album donnent un visage passe-partout à dix titres coulants. Chaque composition est issue de l’identité propre à Adjágas et de la tradition chamanique lapone, qui en évoque d’autres. Adjágas tire d’ailleurs son nom de l'état de transition entre le sommeil et l'éveil. Et le pari est plutôt atteint, car leur musique respire et ventile rapidement le corps des mauvaises vibrations du stress. La musique d’Adjágas relaxe vraiment. Après une écoute plus approfondie, le meilleur est à venir et apparaît alors une ambiance souvent fragile, imprévue et suspendue.

Si leur musique paraît surprenante et dépaysante au premier coup d’oreille, ce n’est pas un hasard. Elle s’inspire de la tradition du « joik » (prononcez : « yoïk »). Ce dernier a pour fonction d’exposer l’essence d’une personne, d’un lieu ou d’un animal. D’ailleurs, chaque homme ou femme saami possède sa propre mélodie, comme une représentation musicale unique. Sa caractéristique réside aussi dans l’utilisation de syllabes répétées à plusieurs reprises ou de murmures, d’interjections et d’imitations de cris animaux scandés sur une pulsation. Pour le côté technique, leur chant se construit sur une échelle pentatonique (constituée de cinq hauteurs de son différentes). Enfin, le « joik » porte en lui des caractéristiques retrouvées dans les styles de chants gutturaux des peuples montagnards et des chants de gorge des peuples Inuits ou des peuples d’Asie centrale. Pour les amateurs des chants des Indiens d’Amérique, les similitudes importantes avec les chants traditionnels amérindiens sont frappantes.

Paru en 2006 en Norvège, ce premier disque d’Adjágas vient à point nommé. Bien que la production discographique saami connaisse un développement important depuis plusieurs années, ce n’est qu’en 1968 que le premier disque enregistré par un artiste saami a vu le jour : l’album « Joijuka », de Nils Aslak Valkeapää (« Ailohas » de son nom saam).

Adjágas est un voyage pertinent dans un univers contemplatif et joyeux à la fois. Comme un cri venu des profondeurs spirituelles de l’homme et en particulier de cette intriguante culture saam, leur musique est presque organique. Ce premier album éponyme est produit par På Andreas Mjøs (Jaga Jazzist, Susanne & The Magical Orchestra) et est à découvrir absolument.

© Jimmy Braun – juin 2007

Liens Internet : http://www.myspace.com/adjagas