Jimmy B
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Posté le: 24 Feb 2003 10:41 Sujet du message: Entretien avec Laurent "ZunZun" Lamy |
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"L'échange à partir de nos spécificités culturelles me passionne et est toujours très enrichissant. Je veux être un musicien ouvert, ce qui m'a conduit à jouer du jazz, du funk, du zouk et beaucoup de styles différents" Laurent Lamy
Dans la grande famille des musiciens français, quelques percussionnistes se partagent le travail de studio, de scène, de stage, de pédagogie et de création - dont Laurent Lamy dit ZunZun, qui fait partie de cette famille de percussionnistes travaillant avec passion et humilité sa discipline depuis plus de quinze années.
Connu en particulier pour sa méthode, Congas : Rythmes et Développement, qui se distingue par sa simplicité et sa capacité à s'adapter aux jeux modernes et traditionnels des instruments congas, Laurent « ZunZun » Lamy est aussi un homme de terrain organisant ses propres stages de percussions afro-cubaines et qui a collaboré avec Orlando Poléo lors des stages que donne le conguero.
Accouplé à cette vie de musicien, de démonstrateur pour les instruments Latin Percussions (qui le mènera entre autre à jouer avec Giovanni Hidalgo) et de pédagogue, Laurent « ZunZun » Lamy est aussi un consultant et un rédacteur pour des revues spécialisées et a coopéré pour la revue associative Percussions (de l'AFP) et le mensuel Batteur Magazine.
Aujourd'hui il prépare une nouvelle méthode pour percussions et travaille avec le chanteur d'Orlando Poléo y la Orchesta Chaworo, Carlos « Kutimba » Esposito.
Mais laissons nous porter par le rythme des réponses de Laurent « ZunZun » Lamy, qui est à l'origine un éducateur spécialisé, et pour ne rien vous cacher qui est un personnage affable et à découvrir, car si vous ne le connaissez encore pas, vous entendrez sans doute parler de lui !
A quel âge et comment as-tu eu le 'déclic' avec la Percussion ?
Laurent « ZunZun » Lamy : J'ai commencé vers 18 ans alors que je faisais des études d'éducateur spécialisé. Un copain réunionnais m'avait invité à une soirée. Il avait l'habitude de mettre des congas dans les mains de tous ses invités, c'est ce qu'il a fait avec moi alors que je ne connaissais même pas le nom de l'instrument. Je suis retourné plusieurs fois chez lui et nous avons rejoué ensemble. A l'époque je ne savais même pas ce que je faisais.
Pourquoi et comment as-tu décidé cette direction vers les percussions latines et quelles ont été tes principales difficultés d'apprentissage et leurs remèdes ?
Laurent « ZunZun » Lamy : J'ai vraiment l'impression de ne pas avoir vraiment choisi. C'est l'instrument qui m'a conduit. J'ai commencé par l'étude des rythmes liés au tambour Ngoma. Malheureusement je n'avais pas le réflexe de conserver les informations, j'ai donc tout oublier. Le prof avait proposé aux meilleurs élèves de l'accompagner au cours de danse qu'il donnait au Centre du Marais. Cette expérience m'a fait comprendre beaucoup de chose sur le sens de ce que nous jouons. Ce fut très physique, il fallait faire preuve d'endurance. J'aimerais beaucoup me remettre au tambour Ngoma qui est un ancêtre de la tumbadora. Ensuite, je me suis dirigé vers les rythmes brésiliens et afro-brésiliens (Candomblé). Mais les rythmes de la Batucada, ce n'était pas mon truc alors la tumbadora m'a conduit vers quelques profs dans le style afro-cubain. C'est à ce moment là que Orlando Poléo est arrivé en France.
Je suis allé le voir et ça a changé ma vie, j'avais dans les 25 ans.
Je n'ai jamais vraiment ressenti de difficultés, au contraire j'avais un sentiment de familiarité avec ce que j'apprenais. J'étais un mort de faim !
On peut lire sur ta biographie, présente sur ton site Internet, le nom et adjectif « autodidacte » ainsi qu'une sélection d'artistes, de revues et d'écoles avec qui tu as inculqué, collaboré, peaufiné et développé ton travail. Est-ce que l'on peut dire que ton apprentissage des percussions à tiré profit au maximum de la combinaison, entre un apprentissage classique, avec un rapport maître-élève et tes découvertes en autodidacte, en débrouillard ? Trouves-tu cette condition, cette approche plurielle, intéressante pour apprendre à jouer ?
Laurent « ZunZun » Lamy : Oui, je peux dire que j'ai commencé comme un autodidacte sans prof et sans modèle. Mais à partir du moment où j'ai pris des cours, ça a changé. Au départ, j'ai suivi un enseignement oral qui est vrai savoir constitué et puis lorsque j'ai voulu vivre de ma passion j'ai appris le solfège et un peu de théorie pour le métier. Il ne se passe pas un jour sans que je m'en serve. Mon maître c'est Orlando Poléo et ce qui est de l'enseignement c'est ma principale inspiration. « C'est la même école », ce sont ses propres mots. Il m'a donné beaucoup plus que des rythmes à bosser. Ces fondations se sont enrichi des autres rencontres que j'ai faites par la suite avec Roberto Vizcaïno, Changuito, Anga, Mario Aspirina et de beaucoup d'autres moins connus ainsi que de mes écoutes etc. L'étude théorique, même si elle est très insuffisante en ce qui me concerne m'apporte un complément pour comprendre la polyrythmie par exemple.
Quelle force, quel objectif particulier, t'es-tu donné lors de la création de ta méthode musicale intitulée, « Congas : Rythmes et Développement » ?
Laurent « ZunZun » Lamy : Je l'ai écrite assez vite mais j'y ai pensé longtemps. Je ne voulais surtout pas faire une méthode dans laquelle j'aurais dit le « son c'est ça », « le mozambique » se joue comme ça - Pour moi, ce genre de démarche ne reflète pas la réalité de cette musique. Ce que je voulais, c'était faire partager le plus simplement possible quelques idées directrices pour développer son jeu de congas et encourager le lecteur à trouver les siennes. Ce sont les batteurs qui m'ont inspiré. Leur façon de conceptualiser leur travail comme la descente de toms, les patrons mélodiques, les coups doublés, l'ambidextrie etc.
En combien de temps as-tu réalisé cette méthode ?
Laurent « ZunZun » Lamy : Le contenu est le reflet d'une partie de mon travail de l'époque.
Ta méthode, est-ce une sorte de succédané de ton propre apprentissage ?
Laurent « ZunZun » Lamy : Non, plutôt d'une réflexion et d'une envie personnelle sinon je ne me sers jamais de ma méthode dans mon enseignement. Ce sont mes élèves qui la découvre et qui m'en parle éventuellement.
Avec le recul et le travail développé ces dernières années et en regardant le nombre et le contenu des méthodes analogues du marché, quels conseils spécifiques donnerais-tu as un utilisateur de ta méthode ?
Laurent « ZunZun » Lamy : Ce que je déconseille c'est de travailler à partir d'une méthode quelle qu'elle soit sans avoir pris de cours avec une personne sérieuse. Les utilisateurs de ma méthode gagneront à appréhender son contenu comme un support à leurs idées personnelles. S'ils se contentent des plans, c'est déjà bien mais il y a mieux à faire.
Comment résumerais-tu ton regard, ta propre réflexion, sur l'utilisation des percussions latines dans les musiques actuelles ? L'Electro, la Techno, la Variété, etc.
Laurent « ZunZun » Lamy : Les percussions dites « latines » sont sorties de leur contexte depuis Chano Pozo. Elles sont devenues une part de l'instrumentation habituelle des musique actuelles. A tel point que souvent les percussionnistes spécialistes de ces musiques en France ne connaissent rien ou très peu de choses sur leurs cultures d'origines. Ce qui ne les empêche pas de jouer des choses intéressantes alors... Aux USA par contre, ça a l'air différent. Il existe des programmes d'études dans des écoles réputés ce que nous n'avons pas ici. Il y a aussi des gens comme Luis Conte qu'il faut écouter attentivement. J'aime beaucoup ce qu'il fait. Il s'inspire de son répertoire cubain qu'il adapte magistralement à la variété.
En 2000, tu as joué en live à l'occasion de la 3ème édition du Festival, « les journées de la percussion » de Paris, tu y accompagnais Giovanni Hidalgo - dont la venue en France se fait trop rare, Orlando Poleo, et Simon Ville. Autant dire qu'avec les deux-cents spectateurs présents, j'ai découvert à cette Latin Night tes talents d'accompagnateur aux Congas et un quartet de choc. Pourrais-tu nous parler de cette rencontre, nous faire partager l'émotion que tu as éprouvé lors de cette rencontre mémorable entre ces deux « monstres » de la percussion latine, que sont Orlando Poleo et Giovanni Hidalgo ?
Laurent « ZunZun » Lamy : J'avais déjà joué plusieurs fois avec Orlando. Pour moi, ce fut l'un des plus beaux jours de ma vie et l'une de mes plus grosses peurs. J'étais vraiment terrifié à l'idée de me retrouver entre ces monstres comme tu dis. Tu t'imagines jouer le même soir sur le même instrument que ces deux seigneurs des tumbadoras. Mais quel honneur aussi ! En dehors du plaisir et de la fierté, j'aimerais dire aussi que j'ai fait aussi une belle découverte. Avant le concert, alors que j'accordais mes congas Giovanni m'a rejoint discrètement et s'est assis là avec un quinto. Nous avons fait une vingtaine de minutes un abakua, moi sur trois congas et Giovanni à l'impro. J'emporterais ce souvenir avec moi mais surtout j'ai pris conscience que quel que soit le niveau technique, le fait de partager un répertoire nous réunissait et nous faisais partager un moment de musique sans chichi et dans un véritable échange.
Quel a été le temps de préparation et les thèmes joués à cette rencontre?
Laurent « ZunZun » Lamy : Nous sommes partis sur l'idée de reprendre le thème d'Orlando « Era 2000 » qui figure dans « Lo Buena de la Vida » son dernier album. Nous l'avons un peu développé. L'idée consistait à montrer que l'on peut faire de la musique et de la mélodie avec nos percussions. C'était le message. Nous ne voulions pas d'une démo de plus. Nous avons répété deux ou trois fois et c'était bon !
Te considères-tu plus comme un percussionniste de tradition, de folklore ou un percussionniste d'aujourd'hui jouant une musique actuelle avec une connaissance des traditions liées à ton instrument ?
Laurent « ZunZun » Lamy : J'ai un immense respect pour la ou les traditions qui m'ont été transmises. C'est pour cette raison que je suis très pointilleux dans mon enseignement. Mais je ne me sens pas pour autant investi d'une mission de défense d'une tradition complexe. Le rapport que l'on entretient avec sa tradition est une chose très intime et j'ai trop de respect pour me réclamer d'une tradition qui m'est étrangère. Par contre, mes rencontres avec des cubains, des vénézueliens m'ont fait comprendre que je tenais à ma culture française même si j'aurais beaucoup de mal à la définir. L'échange à partir de nos spécificités culturelles me passionne et est toujours très enrichissant. Je veux être un musicien ouvert, ce qui m'a conduit à jouer du jazz, du funk, du zouk et beaucoup de styles différents. En particulier, je suis très fier de deux albums de variétés pour les enfants auxquels j'ai participé. Je pourrais résumer en disant que la famille n'empêche pas de sortir avec des amis. La famille serait le répertoire afro-cubain et plus généralement caribéens et les amis toutes les autres formes musicales.
Parmi les percussionnistes de jadis et ceux d'aujourd'hui, quels sont tes idoles ? Tes 'artistes-repères' ?
Laurent « ZunZun » Lamy : Je n'ai aucune idole ! Le terme « artiste-repère » me convient mieux. J'ai déjà parlé de mon attachement à Poléo. Roberto Vizcaïno est celui qui vient juste après. Son style de jeu, très différent de celui de Poléo m'influence beaucoup. Je travaille pas mal de choses à partir de son style que j'essai d'adapter au mien. Ensuite, Eddie Montalvo, Paoli Mejias, Giovanni forcément, Tata Guines, Patato et notre cher disparu Mongo que je salue au passage. J'écoute beaucoup John Santos, Daniel Ponce et Luis Conte. Tu vois, il y en a beaucoup, je m'arrêtes là.
Tu as eu la chance de rencontrer et suivre l'enseignement d'artistes majeurs, lequel ou lesquels t'ont le plus impressionné ?
Laurent « ZunZun » Lamy : C'est vrai que c'est une grande chance ! Tous pour des raisons différentes ! Prenons Mario Aspirina par exemple. Voilà quelqu'un qui avait dans les 65 ans lorsque je l'ai rencontré dont 60 de musique. Je l'ai vu chanter les impros au chant dans un Guaguanco tout en improvisant au quinto. Magistral !!! Le soir, nous nous retrouvions sur scène pour un mini-concert à jouer et chanter pendant plus d'une heure alors que ce n'était absolument pas prévu, ça s'est fait comme ça. Nous avons joué bembé, yuka etc. ça a été génial ! Sans commentaire...
Si tu devais partir t'isoler sur une île déserte, ta valise comporterait quel instrument, quel disque, quelle photographie et quel livre ? Et quelle île choisirais-tu ?
Laurent « ZunZun » Lamy : Il n'est question que je m'isole sur une île déserte. L'isolement c'est la mort du musicien. Je garde tout.
Enfin pour conclure, en te remerciant d'avoir bien voulu accepter cet interview, pourquoi ce surnom "ZunZun" et quels sont tes projets et tes implications actuelles, musicalement parlant ?
Laurent « ZunZun » Lamy : Ce surnom m'a été donné par un élève que j'ai fait joué dans un des mes groupes « Maiseboa ». Dans notre répertoire, nous faisions une Bata-Rumba du nom de Zun-zun-zun dans laquelle je fais un solo sur quatre congas. Le Zun-zun est un petit oiseau dont les ailes battent très vite. Mes mains pendant le solo lui ont fait pensé au battements des 'ailes du petit oiseau à cause de la vitesse. Ensuite, c'est resté.
Mes projets actuels, c'est de continuer à jouer dans « Kutimba y su sonora francesa », le nouveau groupe de Carlos Esposito, l'actuel chanteur de Poléo. Il s'agit d'une sonora composé de trois trompettes, deux percussionnistes, contrebasse, piano, tres et deux chanteurs.
Je suis en train de terminer ma seconde méthode qui n'aura rien à voir avec la première. Je l'ai conçue pour travailler la mise en place, les variations et l'improvisation à partir de morceaux de percussion à moi. Je l'ai pensé pour les congas, les timbales, la batterie et bongo mais il y aura des bata, chékéré etc.
Je réfléchi aussi à un projet de fusion de chants lucumi avec une orchestration électrique. Sinon, j'aimerais beaucoup travailler pour des danseurs, pour un ballet...
Retrouvez Laurent ZunZun Lamy sur son site Internet : http://zunzun.chez.tiscali.fr [15.02.04]
Entretien pour Percussions.org - Février 2003 - (c) Jimmy Braun |
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Description : (c) Laurent Lamy
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