François Kokelaere
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Posté le: 12 Nov 2008 16:39 Sujet du message: Petit Sorcier à l'Arc Musical | Nouvelle approche |
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« Nouvelle approche du Petit Sorcier à l'Arc Musical »
Il y a des mythes qui ont la peau dure… Ce « petit sorcier à l’arc musical » de la grotte des Trois Frères, située en Ariège (Midi-Pyrénées, France), (figure 1) nous a fait rêver comme il a fait rêver des générations de poètes et d’illuminés dans mon genre, qui voyaient en lui la première représentation picturale d’un acte musical. Et puis, les chercheurs du CNRS sont venus, avec force arguments scientifiques, nous démontrer par A plus B qu’il ne s’agissait que d’un vulgaire acte de chasse. Désillusion… Là où il nous plaisait de voir, avec l’abbé Breuil (un autre mystique du début du siècle dernier, premier investigateur du site en question et qui en fit une gravure précise), les prémices d’une intention musicale, une sorte de guimbarde préhistorique portée à la bouche d’un étrange chaman recouvert de peau de bête, nos bien-aimés chercheurs n’y ont vu qu’un chasseur accroupi.
Ces braves chercheurs ont été tout de même délicats car ils nous ont signifié « une nouvelle approche de la gravure du « petit sorcier à l’arc musical » de la grotte des Trois Frères » comme s’ils savaient bien qu’il ne faut pas trop bousculer les rêveurs, ces êtres fragiles qui croient encore aux sortilèges. Ils ont parlé « d’une analyse différente qui pourrait apporter quelques indices sur l’utilisation de l’arc de chasse au Paléolithique supérieur ». Avec infiniment de délicatesse et de précaution, et afin de ménager notre susceptibilité de rêveurs tourmentés, ils nous ont clairement expliqué que nous nous étions complètement gourés.
Dommage, on aimait bien l’idée que nos lointaines ancêtres faisaient déjà de la musique au fin fond de leurs cavernes préhistoriques.
La question qui nous taraude jour et nuit reste entière : est-ce que nos lointains ancêtres du Magdalénien faisaient de la musique et comment s’y prenaient-ils ? Hélas, il nous faudra attendre l’invention de la machine à remonter le temps pour avoir quelques réponses.
Alors on peut tout imaginer : qu’ils chantaient, qu’ils tapaient en rythme sur des troncs d’arbre évidés, qu’ils dansaient au son du vent et de la pluie, qu’ils martelaient le sol de leurs pieds nus, qu’ils transformaient leur arc de chasse en instrument de musique ?
Comment est née la musique ? Il ne s’agit sûrement pas d’un acte isolé mais plutôt de mille et une circonstances appropriées.
En fait, cela a-t-il vraiment de l’importance ? Les traditionnels ont résolu depuis longtemps le problème en nous expliquant qu’elle venait des « dieux » !
Allez, va pour les dieux, en attendant que les chercheurs nous expliquent qu’ils n’existent pas.
Un petit peu d’histoire et de géographie [Extrait de http://prehisto.ifrance.com/nouvellepage2.htm]
La grotte des Trois Frères et le Tuc d'Audoubert appartiennent au même système et, comme l'écrivait Breuil, « peu de découvertes ont, plus que celle-ci, une jolie tournure de roman ». C'est en 1910 que les trois fils du comte Bégouen, sur une embarcation, explorent le réseau souterrain et découvrent de vastes galeries où l'un d'eux, le 10 octobre, brise une draperie stalagmitique qui masquait un long couloir. Et les trois frères pénétrèrent, les premiers depuis l'Age du Renne, dans une salle terminale où, appuyés contre une roche, deux bisons d'argile les attendaient depuis plus de 10 000 ans.
Or cette étonnante trouvaille eut une suite. En 1916, les trois frères, mobilisés, profitent d'une permission pour explorer un trou du plateau calcaire. Ils ressortent par l'entrée d'Enlève, après avoir accédé à un vaste complexe de salles et galeries ornées de gravures. La caverne des Trois Frères est découverte. Parmi les figures, l'une des plus énigmatiques de l'art paléolithique : le sorcier, cornu, mi-homme, mi-animal, alimenta bien des exégèses sur la signification de l'art préhistorique.
L'abbé Breuil, qui fit le relevé de cette gravure de la grotte des Trois Frères, y voyait quelque héros mythique commandant au monde animal à l'aide d'un arc musical.
Les êtres énigmatiques, cornus, mi-hommes, mi-animaux ou les personnages masqués sont en nombre restreint. Le plus fameux est le Sorcier de la grotte des Trois Frères. Situé à 4 m de haut, sur la voûte, dominant un fouillis d'animaux, il est gravé et en partie peint en noir. L'abbé Breuil en fit la description et l'interprétation suivantes : "Vu de face, cette tête a des yeux ronds pupillés entre lesquels descend la ligne nasale se terminant par un petit arceau. Les oreilles dressées sont celles d'un cerf ; sur le bandeau frontal peint en noir émergent deux fortes ramures épaisses sans andouillers frontaux, avec un seul andouiller court déjà assez élevé au-dessus de la base, après lequel chaque branche se coude vers l'extérieur pour se diviser à nouveau en deux à droite et trois à gauche. Il n'y a pas de bouche, mais une très longue barbe striée tombant sur la poitrine. Les avant-bras sont relevés et joints horizontalement, se terminant par deux mains juxtaposées, à doigts courts et tendus ; leur couleur est délavée, presque disparue. Une large bande noire cerne tout le corps, s'amincissant à l'ensellure lombaire et s'étendant aux membres inférieurs fléchis. Un point marque la rotule de gauche. Les pieds, orteils compris, sont assez soignés et marquent un mouvement analogue à celui de la danse du "Cakewalk". Le sexe mâle, accentué, non érigé, est rejeté en arrière, mais bien développé, inséré sous une queue abondante (loup ou cheval) à petite houppe terminale. Telle est évidemment la figure que les Magdaléniens considéraient comme la plus importante de la caverne et qui nous paraît, à la réflexion, celle de l'Esprit régissant la multiplication du gibier et les expéditions de chasse."
À ces êtres s'ajoutent quelques contours imprécis qui évoquent les "fantômes" de l'imagerie humoristique, avec des yeux ronds au milieu d'un suaire et qui achèvent de montrer combien la représentation de la figure humaine par les Paléolithiques est caricaturale alors que nombre de dessins d'animaux montrent la précision et la justesse de l'observation qu'ils pouvaient atteindre.
Extrait de « une nouvelle approche de la gravure du « petit sorcier à l’arc musical » de la grotte des Trois Frères »
de Frédéric Demouche, Ludovic Slimak, Daniel Deflandre LAPMO – CNRS – Université de Provence.
A propos de la gravure : « Le « sorcier » est généralement associé à deux animaux le précédant dont l’un semble se retourner pour le regarder, ce qui ne suggérait pas obligatoirement une stricte contemporanéité de ces deux éléments, mais une possible interaction ». La multitude des animaux figurés sur ce panneau (dans sa globalité) crée une impression d’anarchie qui rend délicate toute tentative d’association de ce personnage (le sorcier) avec les gravures qui l’entourent. L’objet de cette étude porte donc sur la seule figure du « petit sorcier à l’arc musical ».
Interprétation classique
Cette gravure était considérée comme « un homme bison jouant de l’arc musical » (Bégouën et Breuil 1958) interprétation motivée par l’existence de ce genre d’instrument en Afrique du Sud. Ces mêmes auteurs spécifient toutefois que cette sorte de « gros cigare », fait de deux traits, l’un rectiligne, l’autre un peu « courbe », pourrait également être un instrument de musique à vent (flûte).
La posture intrigante du personnage (comme celle d’ailleurs de la majorité des êtres composites) serait, toujours selon les auteurs, la représentation d’une danse, considérée dès lors comme un acte de magie cynégétique. Cette interprétation est admise par J.Clottes (993, p.197 ; Clottes & Lewis-William 1996, p.84) qui parle de chamanisme.
Nouvelle approche
Ces éléments nous ont conduit dans une autre direction que celle prise par H.Bégouën et H.Breuil (1958). Le premier concerne la posture elle-même du personnage. S’il s’agit d’un « sorcier » dansant, debout, la queue devrait naturellement pendre vers le bas, dans le prolongement du torse, et non suivre le mouvement de la cuisse « relevée ». Le second a trait à la position des bras, tendus vers l’avant et dont aucune des extrémités ne touche « l’arc musical ». Cette position ne semble guère compatible avec celle d’un joueur d’instrument.
Ce sont ces détails qui tendent à faire basculer le sens de cette figure ; en effet, sur l’ensemble du panneau, il n’y a pas de plan horizontal unique, et s’il semble exister une horizontale principalement utilisée, certaines gravures se retrouvent sur un plan vertical. Si l’on cherche à restituer une cohérence à tous ces détails, une seule position semble être possible : le personnage doit se comprendre à quatre pattes sur un sol que l’on pourrait matérialiser par une ligne imaginaire (figure 2). Dès lors, la position de la queue semble naturelle, puisqu’elle « tombe » le long de la cuisse. Les bras, quant à eux, s’appuieraient sur le « sol ». Remarquons que l’extrémité de « l’arc musical » se situe au même niveau que les extrémités des bras et le genou, ce qui conforterait cette nouvelle lecture. De plus, l’aspect bossu du personnage s’accorderait avec le déguisement et la position quadupède du « sorcier ». Dans cette optique, le personnage dépendrait d’une horizontale différente de celle de la majorité des animaux représentés. Dans ce cas, la représentation verticale d’un être à quatre pattes pourrait exprimer un effet de profondeur.
Si nous associons cette gravure aux autres représentations du panneau, sa position pourrait signifier que le personnage contourne le gibier.
Nous aurions alors, en plus de la technique de chasse à l’arc, la description d’une méthode d’approche du gibier dont l’expression graphique ne pouvait être exprimée que par un emploi de la profondeur.
Vers de nouvelles perspectives
Il nous semble possible de dégager une nouvelle perspective dans la lecture de cette gravure, sans aborder sa valeur symbolique ou magique ; L’homme à quatre pattes pourrait être un chasseur recouvert d’une peau de bête : la queue, le pelage et la tête permettent d’identifier un bison (figures 3 et 4). L'’arc que le personnage tient dans sa bouche ne peut plus être interprété comme un instrument de musique mais plutôt comme un arc de chasse véritable (signalons que l’emploi d’arc de petite taille est attesté chez des tribus d’Amérique du Nord et du cercle polaire, pour chasser le grand gibier.
© François Kokelaere
Sources et ouvrages à consulter
. Bégouën et Breuil. « Les cavernes du Volp, Trois Frères, Tuc d’Audoubert ». Paris, Editions Arts et Métiers graphiques. Travaux de l’Institut de Paléontologie humaine, 1958.
. Breuil. « Quatre cents siècles d’art pariétal. Les cavernes ornées de l’Âge du renne ». Editions Montignac, Centre d’Etudes et de Documentation préhistoriques, 1952.
. Cattelain & Perpère. « Tir expérimental de sagaies et de flèches emmanchées de pointes de Gravette ». Editions Archéo-Situla, 1993.
. Clottes. « Les créatures composites anthropomorphes ». Editions Comité de travaux historiques et scientifiques, 1993.
. Clottes & Lewis-Williams. « Les chamanes de la préhistoire. Transe et magie dans les grottes ornées ». Editions Le Seuil, 1996.
. Hamm. « L’arc indien ». Editions Luisant, Nigel Gauvin, 1994.
. Pales & Saint-Pereuse. « Les gravures de la marche » Editions Ophrys, 1976.
. Paczynski, Stanislas Georges. « Rythme et geste ». Editions Zurfluth, 1988.
. Les Lakotas. « La quête du grand esprit ». Editions du Rocher, 1994.
. http://prehisto.ifrance.com/nouvellepage2.htm |
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Mais qui est François Kokelaere ?
Description : Figure 4, basculement d'un chasseur. Petit Sorcier à l'Arc Musical | Nouvelle approche
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Description : Figure 3, exemple d'approche. Petit Sorcier à l'Arc Musical | Nouvelle approche
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Description : Figure 2, plan horizontal. Petit Sorcier à l'Arc Musical | Nouvelle approche
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Description : Figure 1, petite sorcier. Petit Sorcier à l'Arc Musical | Nouvelle approche
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Description : Vue d'ensemble. Petit Sorcier à l'Arc Musical | Nouvelle approche
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Dernière édition par François Kokelaere le 25 Nov 2008 11:53, édité 1 fois en tout |
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