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[Jimmy Braun]

["Soné ka-la" Jacques Schwarz-Bart | CD Audio Digipack 2006 | Label Universal Music France SAS/Edition Universal Music Jazz | http://www.brotherjacques.com ]


Sorti de nulle part pour certains, le son fruité et funky jazz de Jacques Schwarz-Bart a caressé plus d’une oreille cette dernière décennie. Et pour les aficionados des valeurs montantes comme ce saxophoniste ténor, ce troisième album solo de Brother Jack (comme l’a baptisé D’Angelo, et qui est devenu depuis son sobriquet) est un étonnant retour pour gonfler sa carrière discographique. A la fois hommage à sa terre natale – la Guadeloupe – et nouvelle dimension donnée à la voix de sa musique, « Soné Ka-la » est un écrin fait d’une énergie puisée dans les battements du cœur et de l’amour du travail bien fait.

Frère Jacques ne dort pas

Rares sont les aventures alliant le tambour Gwo Ka au jazz. Et ce n’est pas un hasard si Brother Jack est aussi le complice des quelques projets existants et aboutis, comme ceux de Mario Canonge ou de Frank Nicolas et son Jazz Ka Philosophy. Les musiciens qui ont enregistré ce nouvel album – et dont certains sont aussi présents sur ces projets - démontrent par leur jeu libre et détendu, que le jazz peut comporter des arrangements qui laissent une large place aux métissages. Le tout en étant assez élaboré pour donner une atmosphère différente, pour ne pas dire novatrice sur la plupart des titres.

Les treize compositions font parler le jazz et la tradition du Ka, comme pour se faire rejoindre l’évidence de leurs racines communes africaines. Combinaisons de rythmes, de mélodies et d’harmonies, les morceaux sont en majorité signés par le mentor de « Soné Ka-la ». La bonne humeur qui fait ici légion vient sans doute de la rigueur et du casting, qui met en avant des artistes percussionnistes d’envergure comme les tambouyés Sonny Troupé et Olivier Juste. Né en Guadeloupe dans une famille de littéraires, Brother Jack met le Gwo Ka – créolisation de « quart », barrique pour salaison devenue tambour au temps de l’esclavage – à l’honneur et renoue dans ce disque avec ses racines. C’est aussi l’occasion de se re-lier avec son premier instrument débuté à l’âge de quatre ans et initié par le maître réputé des rythmes du Ka, le tambouyé Anzala. Pour raffermir son jeu vif, et influencé par les saxophonistes John Coltrane et Sonny Rollins, il invite quelques artistes d’actualité comme le guitariste béninois Lionel Loueké, le pianiste croate Milan Milhaljovic, la très grande voix de la Guadeloupe, Jean-Pierre Coquerel, Admiral-T ou la divinement soul, sister Stéphanie MacKay. Fondé sur un style hard-bop, le jeu de saxophone est fluide et sobre. Merveilleusement chaloupé, le swing donné par l’usage des sept rythmes du Gwo-ka est le résultat d’un long travail. Solide expérience acquise, Brother Jack a soufflé auprès d’artistes de renom : Chucho Valdès, Danilo Perez, Bob Moses, Ari Hoenig, James Hurt ou le fameux projet « Crisol » de Roy Hargrove. Peaufiné par des expériences en tous genres, comme sa participation à une méthode du conguero Giovanni Hidalgo, le résultat artistique est savamment orchestré sur la totalité du disque. « Soné Ka-la » est un disque de maturité assurée. Ambiance afro-latine, flow de rap antillais ou de soul créole, à faire tourner en boucle pour se laisser surprendre. Un album à rapprocher d’urgence de ses platines, et à ranger entre « Kulu sé mama » de John Coltrane et « What’s new » de Sonny Rollins. Un disque fait par un artiste exigeant pour des oreilles exigeantes. Voici venu l’art du Jazz Ka !

© Jimmy Braun – Octobre 2006

Titres de l'album :

* 1. Pa palé
* 2. Soné ka la
* 3. Love - Feat. Stéphanie McKay
* 4. Toumbak - Feat. Jean-Pierre Coquerel
* 5. Ascent
* 6. Drum and bass
* 7. Déshabillé - Feat. Jacob Desvarieux
* 8. The chains
* 9. Gwoka - Feat. Jean-Pierre Coquerel
* 10. Padjanbel
* 11. Descent
* 12. Pé la - Feat. Admiral T
* 13. Léwoz