Percussions.org

[Jimmy B]

["Kangaba". David Neerman & Lansiné Kouyaté. 2008. 1CD Audio digipack. Label No Format!/Universal Jazz. NOF12.]

Les XXème et XXIème siècles sont les témoins d'une nouvelle étape : les rencontres musicales se profilent et les percussions ne sont plus que des éléments pittoresques ou "exotiques". La percussion s'intègre au discours musical proprement dit. "Kangaba" le nouveau projet du balafoniste malien Lansiné Kouyaté et du vibraphoniste anglais David Neerman en est une brillante illustration. Né d'une rencontre "humaine" en 2003, l'album est le fruit d'un coup de foudre musical entre ces deux hommes sonores. Contenu minimaliste, partage de deux univers instrumentaux cousins (famille des percussions claviers), "Kangaba" est l'occasion d'un "métissage" sans allure délavée, dans la lignée des approches enclenchées par Cheick Tidiane Seck ou Omar sosa.

Avec "Kangaba", nous sommes ici, simple auditeur, mais véritablement témoin d’une expérience menée au coeur d’un laboratoire musical, expérience dont naît tout simplement un esprit musical d’aujourd’hui et de demain. Les deux mentors du projet réalisent une sorte de rêve éveillé, dans la continuité de leurs activités artistiques. L'un, Lansiné Kouyate, fils de la griotte Siramori Diabaté, est un balafoniste qui s'est déjà illustré aux côtés de nombreux agitateurs du "métissage", comme Salif Keita, Baaba Maal, Dee Dee Bridgewater ou Omar Sosa. L'autre, David Neerman se produit dans de multiples contextes qui vont de la musique contemporaine à la drum'n'bass en passant par le reggae. Bien que l'album soit un travail d'harmonie assidu, les deux musiciens possèdent aussi tous les accents de la tradition de leur instrument, et font l'éloge de thèmes tantôt hypnotiques ("Here", piste 1), polaires ("Niokome", piste 3) ou groovy ("Touma", piste 8), mais toujours délicieux. Lansiné rend aussi hommage à ses parents sur le titre "Kanga dub (Sara)", en concoctant un voyage musical laborieux d'environ dix-huit minutes, où se greffe un enregistrement radio des archives de l'ORTM (Office de Radioduffusion et Télévision du Mali), qui permet d'entendre Nankoman Kouyaté au balafon et Siramori Diabaté au chant.

Mélange joyeux exprimé sur dix titres, le duo est accompagné d'une section rythmique charpentée, constituée du contrebassiste jazz Ira Coleman et du batteur Laurent Robin. C'est aussi l'occasion d'inviter quelques compagnons de route : la chanteuse Mamani Keita, Moriba Koita au ngoni et Cheick Tidiane Seck au dununba. Ni jazz, ni traditionnel, les textures de chaque titre plongent les oreilles dans une étonnante rencontre entre "métal" et "bois". David Neerman et Lansiné Kouyaté créent un véritable liant, tout en acoustique, tout en poésie, sans excès de virtuosité, dans une épure parfaitement envoûtante.


© Jimmy Braun - Octobre 2008.

Sites | http://www.noformat.net - http://www.myspace.com/kouyateneerman

Musiciens : Lansiné Kouyaté, David Neerman, Ira Coleman, Laurent Robin. Invités : Mamani Keita, Moriba Koita, Cheick Tidiane Seck

Tracklisting
01. HERE 2'50
02. DJANFA MAGNI 3'54
03. NIOKOMÉ 5'31
04. BOLOBA 3'40
05. TIZIRI 2'38
06. BAMANAN DON 5'03
07. LE DESTIN II 3'38
08. TOUMA 4'06 (feat. Mamani Keita & Moriba Koita)
09. MOMO 2'57
10. KANGA DUB 3'32 (Total avec Bonus : 18'52)

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[François Kokelaere]

En bin dis-donc, il ne te faut pas grand-chose pour « t’envoûter », mon gars Jimmy. Crétin comme je suis, j’ai lu ton article et je me suis empressé d’acheter le disque sur le net car je ne suis pas du genre « téléchargeur gratos » même si le risque d’être déçu est conséquent, cela fait partie du jeu. Et je peux d’autant plus dire ce que j’en pense, d’une part, parce que je l’ai payé et d’autre part, parce qu’il est distribué. Quelle déception ! Là où tu vois une rencontre, je n’entends que deux histoires parallèles qui n’arrivent jamais à se croiser. Des sons intéressants de vibra électro-pop (que j’adore) certes mais vite fatiguants. Une prise de son « très crue », très live qui valorise le mélange des sons du bois et du métal comme tu le soulignes très justement mais et alors. Pour dire quoi ?
C’est quand même édifiant que les deux, allez les trois morceaux intéressants (à mon goût) soient le premier, le cinquième et le neuvième, ceux où le vibra et le balafon sont seuls. Sur le papier, la rencontre est belle mais pas dans nos oreilles. La grande perdante de ce « croisement » est la pulsation africaine et je suis désolé mais la basse et la batterie confondent tournerie et groove. Bien sûr que ce sont de bons musiciens mais la « rencontre » dont tu parles aurait exigé autre chose : une immersion, une remise en question de la rythmique acquise qui tient dans une certaine façon de faire tourner les rythmes « droite », en l’occurrence (qu’est-ce qu’elles sont lourdes et pesantes ces rythmiques). Nous sommes à des années lumières d’un début de commencement de rencontre musicale et ce n’est pas une question d’humanité. Il y a fort à parier que les uns et les autres on fait le maximum pour aller vers l’autre justement, mais ce n’est pas si simple. Il ne suffit pas d’être copains, d’aller chercher quelques sons électro pop, de mettre ensemble des bons musiciens de jazz et africains, d’être dans la tendance du moment, pour que la sauce prenne. Il faut autre chose. Ca me rappelle le duo qu’avait fait le djembéfola Adama Dramé avec le pianiste Marc Vella. On avait la même sensation de deux histoires parallèles qui ne se rencontrent jamais.
Là où tu entends un jeu épuré, je ressens plutôt une difficulté à se lâcher, surtout de la part du balafoniste qui n’est pas sur son terrain, il en réduit considérablement son jeu. Il suffit d’écouter le morceau 9 où il se lâche pour comprendre comment il est mal à l’aise sur les autres. Et c’est bien là où se pose toute la problématique de la rencontre. Qui doit aller sur le terrain de l’autre et jusqu’où ? A partir de quel point de rencontre la fusion se fait-elle ? Jusqu’où chaque musicien est-il prêt à aller sur le terrain de l’autre ? Qu’est-ce que chaque musicien est prêt à perdre pour gagner la rencontre ?

Enfin, c’est un laboratoire comme tu dis et rien que pour ça, ce n’est déjà pas si mal.

[Nojan]

Bonjour François,

Je n'ai pu écouter que deux extraits de l'album neerman et Kouyaté, donc je n'en dirai rien.
Par contre tu cites l'exemple de Marc vella et Adama Dramé, moi j'avais trouvé que deux nombreuses fois ils avaient réussit à faire un bout de chemin ensemble...bref je l'ai beaucoup aimé cet album...par contre plusieurs années après la sortie de cet album Adama dramé avait renouvellé l'expérience à la demande d'un festival, il avait joué avec un pianiste du nom de François Raulin...aucune rencontre, difficulté à aller vers l'autre? aucune connaissance du travail de l'autre?...je ne sais pas...en tout cas ils ont fait tout le concert chacun sur leur chemin et ils ne se sont jamais croisé...c'est long deux heures et vu le visage d'adama je pense que c'était long pour lui...

La sauce prend avec peu de choses...dur de trouver parfois ce peu de choses.

Maintenant je vais être hors sujet sur ce topic, mais j'en profite...François tu m'avais parlé avec entousiasme de ton projet mandigo world project dans un message...j'ai pu voir hier la vidéo avec quelques extraits...je comprends...c'est magnifique Julien Soro m'a fait voyagé, superbe émotion...

Allez vous fixer cette échange sur un CD??

Bonne continuation.
Salutations musicales
Jean-Noël

[Nojan]

François,
Je viens encore de me regarder l'extrait vidéo...je vais passer pour un groupie...
Le morceau où tu joues du Gongoma est magnifique...envoutant, les mêmes émotions que j'ai resenti à l'écoute de "Burundi", l'album de Portal, Kent et Cinelu (belle rencontre...réussi).

Salutations musicales
Jean-Noël

[Nikko]

Bonjour François

Moi aussi j'ai adoré l'extrait , j'ai aussi ressenti beaucoup de plaisir à l'écoute du très joli "afroblue" .
Bravo

[François Kokelaere]

Bonjour,

Vous me faites super plaisir en mentionnant Mandingo World Project. La vidéo qui est sur le site www.heureduthe.com a été tournée lors de notre deuxième concert. Pour le troisième, samedi dernier à Bourges, Julien Soro a explosé son sax alto tellement il a joué, carrément cassé une touche, Prince et moi en étions retournés et pourtant, comme vous vous en doutez, il en faut pour nous bouger. D'autant plus que nous mettons le paquet sur le son. Prince s'est fait poser des cellules "spécial course" à Philadelphie pour sa kora et son kameln'ngoni, il a maintenant un gros son, quant à moi, j'ai maintenant deux cellules AT Pro 35 sur le gongoma, une pour les lamelles et une sur le bord quand je le joue comme un tambour, ainsi le techno son peut faire deux réglages séparés, c'est beaucoup plus confortable et plus sûr. J'ai mis aussi la même cellule à l'intérieur de la calebasse qui me donne un son énorme et trouvé un djabara en perles de verres avec le son qui va bien.

Nous sommes archi motivés par ce groupe et Prince n'hésite pas à venir spécialement de Los Angeles pour faire un concert à trois balles, c'est dire... Il a énormément travaillé sa voix depuis le temps où nous nous sommes rencontrés en Guinée et il joue toujours de la kora comme un fou. Un genre d'iconoclaste qui prend de graves libertés avec la tradition. Quant à Julien Soro, fort de son premier prix avec mention très bien du CNSM en Jazz, c'est une perle rare. Entre une perle rare du sax et un diamant de la kora, vous voyez que je pourrais être plus mal lotti!

Question "rencontre", puisque c'était quand même le propos du moment, le problème ne se pose pas car nous ne faisons "que " de la musique mandingue, à notre sauce, avec nos trois histoires musicales différentes. Nous ne sommes pas sur le registre de la rencontre, quelle rencontre? Nous sommes "là", tout simplement, avec nos trois personnalités, avec immensément de respect les uns pour les autres, tranquilles, peinards, on s'amuse comme des fous, comme des gamins (faut dire que les deux olibrius ne sont pas tristes) et on joue, une musique simple, qui nous demande d'aller chercher très loin en nous-mêmes la "chose" mais c'est tellement facile avec de tels musiciens. Pas de problème de blé, d'ego, de ci, de ça, d'espace temps (l'un vit à Los Angeles, l'autre à Paris et moi dans le Berry), une simple envie de jouer ensemble et de perpétuer une histoire, notre histoire, celle de Prince et moi avec la Guinée aggrémentée maintenant de la perle rare au sax. On est simplement ensemble dans une histoire qui éclaire mes vieux jours.
Quand on commence à parler de rencontre, à mons avis, c'est déjà que l'on est passé à côté car quand elle se fait vraiment, quand elle est là, on parle de musique et c'est tout.

Quant au disque, bien sûr qu'il y a des projets mais il faut encore que la musique mûrisse car nous n'avons fait que trois concerts mais nous venons de signer avec un agent américain de New York qui va commencer à nous faire faire quelques festivals en septembre 2009, histoire de voir, ça motive et Buda a déjà donné son accord pour sortir le disque mais il faut trouver un peu de sous pour le produire. Chaque chose en son temps.

Et puis vous imaginez... Seulement un gongoma, une calebasse, un berimbau et un djabara comme percu, deux saxs, une kora et un kameln'ngoni. Rien quoi par rapport au semi remorque de percus habituelles. Nous avons voulu faire un truc simple, sans beaucoup de matos, pas trop d'excédent de bagages, facile à tourner, le rêve quoi. Pourvu que ça dure...