Percussions.org

[Laurent Lamy]

Portrait Changuito. Jose Luis Quintana l'Innovateur

Changuito est né à la Havane à Cuba. Comme beaucoup d'enfants de son âge, il commence la musique en jouant des bongos; son père était un célèbre joueur de bongos. Il démarre sa carrière professionnelle à six ans en jouant des congas. A onze ans, alors qu'il travaillait dans un des meilleurs groupe de latin-jazz de Cuba, « Los Armonicos », le batteur Tony Valdez lui montre ses premiers rudiments de caisse claire et surtout les bases de l'accompagnement de jazz sur la batterie. Il commence donc à jouer des timbales et de la batterie la même année, en 1961.

En 1970, Changuito remplace Blas Egues, le premier batteur de l'orchestre « Los Van Van ». Le premier mouvement du Songo avait été créé par Juan Formell, le bassiste et surtout leader du groupe. Alors qu'il cherchait un nom pour désigner le nouveau son de sa formation, il en inventera aussi le nom en contractant le mot « Son » avec le « Gogo », style musical nord-américain des années soixante. Lorsque Changuito rejoint « Los Van Van », celui-ci change tout. Progressivement, il ajoute plusieurs éléments de la batterie. Au départ, il n'utilisera pas de cymbales ni de charleston mais une « cana brava » qui est un morceau de bambou frappé par deux baguettes. Par la suite, son set ne cessera d'évoluer jusqu'à comporter des éléments de batterie électronique. La créativité débordante de Changuito marque un tournant capital dans l'évolution de la musique cubaine qui, après « Los Van Van », ne sera plus jamais la même mais elle a aussi influencé de nombreux batteurs américains à l'époque du jazz-fusion.

Si le « Songo » a été tant repris dans le monde, c'est sans doute parce que ce style à facettes multiples est un savant mélange de styles folkloriques tel que le son traditionnel, la rumba, la conga de comparsa, le mozambique, le pilon avec des styles contemporains comme le jazz et le funk que Changuito écoutait à la radio lorsqu'il était enfant. Au départ, les mouvements du songo ont été créés pour un répertoire particulier avec des parties rythmiques précises. Aujourd'hui, il a pris d'autres directions jusqu'à devenir un jeu dans lequel on peut mélanger divers éléments avec une certaine liberté d'interprétation. Mais Changuito n'est pas seulement le créateur du songo (des songos devrait-on dire!), il est aussi un soliste légendaire qui joue avec les limites du temps et de la mesure avec là encore, des concepts très élaborés, basés notamment sur l'indépendance et sur la clave. Il a entrouvert des portes sur un univers musical que l'on commence seulement à exploiter aujourd'hui. Pas étonnant que des batteurs comme Greg Bissonette, David Garibaldi, Carlos Vega ou bien encore Dave Weckl prennent des cours avec ce vrai génie du vingtième siècle. Celui qui fut contraint à étudier en autodidacte lorsqu'il était enfant contribua à développer la technique de chacun des instruments qu'il a joué, aussi bien la batterie que les percussions, en leur faisant faire un véritable bond dans le temps.