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Fran�ois Kokelaere


Inscrit le: 24 May 2002 Messages: 270 Localisation: France
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Post� le: 26 Oct 2002 15:59 Sujet du message: Troisi�me �pisode : premiers contacts avec ... |
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Histoires Africaines ou les p�r�grinations d'un petit blanc en Guin�e
Troisi�me �pisode: premiers contacts avec la culture guin�enne
J'ouvre et vois deux militaires en armes.
" Oui, c'est pour quoi ? "
" O� est la fille ?"
" Quelle fille ?"
" La fille avec vous" me r�pond l'un d'eux agressif.
" Vous voulez dire ma femme ? "
" C'est pas votre femme, montrez-nous les pi�ces ! "
" Quelles pi�ces ? "
" Passeport ! "
" Ah nos passeports..." Il regarde d��u, le passeport fran�ais de Doriane.
" Bon �a va " et ils tournent les talons. Nous constaterons plus tard, qu'il ne faisait pas bon pour un blanc de s'afficher avec une femme noire en ces temps de "temps d'apr�s S�kou Tour�". Encore moins pour la-dite femme qui pouvait s'attendre � passer un sale quart d'heure dans l'arri�re-chambre du commissariat � moins d'avoir sur elle de quoi "acheter" sa tranquillit�. A chacun son apartheid, mes fr�res...
"Nous allons peut-�tre pouvoir enfin dormir ?"
D'un oeil car le cocktail moustique-chaleur-puanteur ne nous r�ussit pas du tout. Mais le jour se l�ve enfin et la Guin�e reprend visage humain. Sourires du personnel de l'h�tel et accueil chaleureux. Nous voyons arriver le propri�taire du lieu (nous appr�mes plus tard qu'il �tait commissaire de police ?) qui nous demande avec un allant communicatif: " Avez-vous bien dormi ?"
" Oui, tr�s bien, merci ". On a beau �tre aventurier on n'en est pas moins poli et bien-�lev�. Ce brave homme doit croire qu'il g�re un palace...
" Vous �tes fran�ais ? "
" Oui ! " Ah bon, �a se voit tant que �a ?
" Ah, la France... Paris... Qu'est-ce qui vous am�ne en Guin�e ? "
" Nous sommes venus �tudier la percussion et la danse."
" Oui, bien s�r. Les ballets. Vous �tes bien tomb�s, la Guin�e est le meilleur pays pour �a de toute l'Afrique. Je suis moi-m�me musicien, trompettiste. Le Ballet Djoliba r�p�te � La Paillote, juste � c�t� du pont du 8 Novembre � Camayenne, les Ballets Africains sont au stade de Dixinn mais avant d'y aller, vous devez vous inscrire � la Culture, au mus�e Sandervalia (les bonnes vieilles habitudes des camarades marxistes!). C'est juste � c�t�. Quand vous sortez de l'h�tel � droite, vous allez tout droit, tout droit, au carrefour KLM, vous demanderez. Tout le monde connait. Je vous souhaite un bon s�jour en Guin�e. ".
" Merci Monsieur " vous ne savez pas combien vous nous faites du bien. On commen�ait � d�sesp�rer de trouver quelqu'un de civilis� dans ce beau pays... Quelqu'un d'aimable, quelqu'un d'accueillant, quelqu'un d'humain, quoi!
Nous avalons notre petit d�jeuner et nous partons � la Culture. La ville nous donne toujours l'impression d'avoir �t� bombard�e la veille mais le soleil qui pointe son nez, les bouts de ciel bleu qui se fraient un passage au milieu des nuages lourds de la saison des pluies, les enfants qui courent pieds nus dans les rue, les femmes en pagne, l'animation sur les trottoirs, tout cela donne un air d'humanit�. On est en Afrique, �a c'est clair. Bien s�r, les gens nous regardent d'une fa�on �tonn�e, surtout qu'il n'y a pas un blanc dans la rue. Mais avec nos petits sacs � dos nous devons faire tellement "�trangers", qu'ils n'ont pas de probl�me � d�coder. Apr�s quelques d�tours nous arrivons au mus�e, gard� par un �norme fromager, une sorte de baobab, un arbre g�ant, colossal qui tr�ne devant une statue surr�aliste de l'�poque coloniale o� un colon casqu� prot�ge un pauvre petit orphelin africain. Elle est belle l'image de la France qui prot�ge son empire. Je commence � comprendre pourquoi ils nous ont bott� le cul en 58. Nous nous adressons � la premi�re personne qui se pr�sente, il faut dire qu'il n'y a pas grand monde � 9h du matin en Septembre 87 au mus�e national Sandervalia.
" S'il vous pla�t (qu'est-ce qu'ils sont polis ces petits fran�ais. On est pas polis, seulement tr�s hypocrites. Mais n'est-ce pas le comble de la politesse ?) on nous a dit que nous devons informer la Culture de notre pr�sence pour �tudier avec les ballets "
Le monsieur nous regarde ahuri, comme si nous �tions des extra-terrestres.
" Heu... oui... Il faut demander l�-bas. " Il nous montre une porte.
Nous y allons. La porte est ouverte et un homme dort sur la table. Nous nous approchons de lui. Il dort toujours. Nous regardons dans un bureau dont la porte est elle aussi ouverte. Deux personnes discutent.
" Pardon messieurs... " et nous recommen�ons notre histoire.
" Pas de probl�me... les ballets Djoliba r�p�tent tous les matins, nous allons vous y conduire, c'est � la Paillote. Vous �tes v�hicul�s ? "
" Non... "
" On va prendre un taxi ! " Nous voil� partis vers la Paillote. Le monsieur de la culture h�le un taxi.
" Taxi! D�placement, Paillote, 8 Novembre, c'est combien ? "
" 1000 francs. "
" Ah dis-donc, toi aussi, laisse � 500 ! "
" Awa, wonkha� montez " (d'accord, allons-y en Soussou)
Nous longeons la corniche sud et le fait de voir la mer, toute proche nous met de bonne humeur. Allez-savoir pourquoi...
" Comment vous appelez-vous, moi c'est Sir�... Sir� Diabat�, je suis griot et je joue de la guitare. Je travaille � la Direction de la Culture avec les artistes. "
Nous arrivons � la Paillote. Le lieu est charmant, une sorte de vieux dancing en plein air. Manguier, cocotier et piste de danse! Nous entendons le son des djemb� qui sort d'un petit b�timent situ� au fond de la cour. Nous nous approchons. Des dizaines d'artistes r�p�tent, � m�me le b�ton, dans un endroit dont l'exigu�t� donnerait des vapeurs � nos chers danseurs contemporains. Nous sommes estomaqu�s. L'endroit est tr�s sombre, l'espace sc�nique doit faire quarante m�tres carr�s, les tambours produisent un volume sonore �norme � la limite du supportable. Tu m'�tonnes que les "djembe fola" (joueur de djemb� en langue Maninka) soient tous � moiti� sourds. Bonjour la compression des tympans. "Comment ???" Bonjour la compression des tympans...Ca joue � fond la caisse, �a danse, �a entre et sort de partout. Les artistes s'�clatent, �a crie dans tout les sens. Les notes graves des tambours vous prennent au ventre, l'�nergie qu'ils d�gagent vous bloque la respiration, �a ne blague pas. Les blocages tombent comme la mis�re sur le monde diraient les autres. Les phrases � l'unisson cr�pitent comme des rafales de Kalachnikov, trop c�l�bre engin de l'Afrique moderne qui ne dispensent pas vraiment de musique. Ca sue, �a sent fort, �a braille, �a vous cloue sur votre fauteuil en ska� (on n'�tait pas encore assis mais c'est pas grave...). C'est le ballet Djoliba, mon cher et c'est pas rien. La fiert� du big boss qui les emmenait avec lui dans ses voyages pr�sidentiels. Ca devait t'avoir une gueule quand il descendait la passerelle de l'avion entour� de ses musiciens, de ses danseuses, de ses griots. Tu m'�tonnes qu'il �nervait les dirigeants du monde. Un pr�sident artiste et dictateur! Une �me de po�te et une main de fer. L'antinomie existentielle par excellence. M�me Tobie Nathan, illustre ethnopsychiatre, n'y aurait pas retrouv� ses petits (mais si Tobie, c'est pour rire!). Le ballet Djoliba. Whoua... quel pied. Vive la Guin�e et ses ballets nationaux. Vive la r�volution �ternelle. C'est s�r que les supplici�s du camp Boiro n'en avaient pas la m�me perception...
Un petit homme, assis au fond d'un fauteuil nous tourne le dos. Il est concentr� sur toute cette agitation. Ce doit �tre le patron des lieux. La sc�ne se termine et � l'intensit� des regards qui se portent sur nous, il se retourne, surpris. Il se l�ve et vient vers nous.
" Bonjour, bienvenus en Guin�e "
Sir� nous pr�sente.
" Vous �tes ici chez vous. Le ballet Djoliba est votre ballet. Soyez � l'aise. Nous sommes ravis que vous ayez choisi la Guin�e pour vous perfectionner en danse et en percussion (comment avait-il compris que nous �tions professionnels?). La Guin�e a les meilleurs ballets de toute l'Afrique. Nous allons vous jouer une de nos pi�ces et apr�s vous choisirez vos professeurs qui seront � votre disposition. Koumbassa, fais "Mamady le ph�nom�ne" pour nos invit�s. S�kouba, envoie deux fauteuils. Allez... Toi, va chercher deux jus. ".
Frankis Magloire Camara dans ses oeuvres. Imp�rial... Un artiste, un vrai. Pur produit du stalinisme triomphant. Ange d�chu de la r�volution surr�aliste du syndicaliste qui fit hoqueter l'histoire de France. Ma�tre d'oeuvre du ballet national Djoliba de la R�publique de Guin�e. S'il avait v�cu plus longtemps, le grand S�kou lui aurait construit un op�ra � ce gars l�, c'est s�r! Frankis la classe, l'autorit�, �claboussant de ses un m�tre soixante son petit personnel suspendu � ses l�vres. Le geste auguste, le verbe pr�cis et mesur�, les coups de gueules l�gendaires, les exc�s en tous genre. L'illustre, le monument du ballet guin�en, le cr�ateur toujours copi�. Frankis Magloire aux plus haut des cieux Camara. Saint Frankis... Celui qui nous a ouvert les portes de l'Afrique.
Imaginez notre �tat quand nous sort�mes de la Paillote, plusieurs heures plus tard. Douche �cossaise! Le bonheur apr�s le cauchemar. Pays des extr�mes. Le meilleur et le pire dans un d�lai qui d�fie l'espace temps. Voil� une bonne d�finition de la Guin�e !
Premier �pisode: p�r�grinations d'un petit blanc en Guin�e
Deuxi�me �pisode: le voyage en Guin�e
Quatri�me �pisode : les belles ann�es |
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Mais qui est Fran�ois Kokelaere ?
Description : Lamine Lopez Soumah dans le premier costume des percussions
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Description : Les Percussions de Guin�e
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Janpier


Inscrit le: 25 Jul 2002 Messages: 49 Localisation: Rouen
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Post� le: 28 Oct 2002 18:50 Sujet du message: |
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Toujours aussi passionnant, cette "saga" africaine ;-)
�a me fait remonter des souvenirs de lectures et notamment un livre, �dit� chez Payot et �crit par un Anglais dont j'ai (ooops) oubli� le nom, dont le titre est :
Un anthropologue en d�route...
Il raconte essentiellement son s�jour en Afrique, l'administration h�rit�e de l'�poque coloniale... le probl�mes de langue et les quiproquos qui en d�coulent... l'�norme d�calage culturel... Un livre souvent amusant et qui fait d�couvrir, un peu comme tu le fais, l'Afrique et surtout les Africains |
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Partagez votre savoir. C'est une mani�re d'atteindre l'immortalit�.
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djabotu


Inscrit le: 30 Jun 2005 Messages: 1 Localisation: bretagne
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Post� le: 30 Jun 2005 15:14 Sujet du message: merci a toi |
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merci � toi de me faire partager �a. j'ai rencontr� Diabat� Sir� lors du festival complet' mandingue en bretagne l'ann�e derni�re, je fais partie de l'asso organisatrice "djabotu binghi" Fadouba Oular� �tait invit� avec les petits sorciers et c'est ainsi que j'ai rencont� Diabat� Sir�, ce personnage frapant. Merci de m'avoir fait rappeler des souvenirs riches.
A bientot
Morgane |
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