François Kokelaere
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Posté le: 09 Feb 2009 17:52 Sujet du message: Omar Sosa | homme musical |
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Billet d'humeur sur le Concert d’Omar Sosa aux Arcades de Faches-Thumesnil, le samedi 31 Janvier 2009. Par François Kokelaere.
Il y a des moments dans la vie où nous sommes vraiment contents d’avoir des oreilles et le conduit auditif et les neurones à peu près en bon état.
Si le rôle de l’artiste est de nous faire voir le monde autrement alors, Omar Sosa est un grand artiste. Un artiste immense même !
Si le rôle de l’artiste est de nous faire rêver, alors Omar Sosa est le prince des rêves ! Certains font de la musique, lui, il « est » la musique. D’autres jouent du piano, lui, il « est » le piano ! Ce qui fait de cet homme un « faiseur de musique », un « metteur en musique » vraiment à part. La notion de « latin jazz » devient soudain dérisoire car avec lui, l’acte musical est le vecteur d’une résonance ultime. Chaque note, chaque son, chaque émotion, chaque sentiment, chaque instant, est transcendé, investi d’une énergie médiumnique, qui nous relie à autre chose. Ce concert est un moment « autre » qui nous fait mieux comprendre et apprécier le sens de notre vie de musicien. Et même si nous savons que nous n’approcherons jamais le millième de son talent, nous sommes définitivement renforcés sur le chemin à suivre, la voie tracée, toute droite vers l’infini.
D’aucuns ont cette grâce d’être reliés, de vibrer, souvent depuis leur plus jeune âge. Telles des étoiles filantes, ils sont là pour nous dire que c’est possible, que tout est possible « An other world is possible » comme dit Sosa, mais ils savent aussi, qu’ils ne sont que de passage, comme nous tous. Ils sont là pour nous dire que chaque seconde vaut d’être vécue et que la musique n’est là, dans son instant d’éternité, que pour nous rappeler la vérité première - nous ne sommes que de passage – qu’il nous faut de toute urgence sortir de nos postures quotidiennes, de nos petites impostures habituelles, de notre amnésie chronique et tenter de vibrer intensément avec ces musiciens, ces magiciens, ces princes hors du commun, le temps éphémère, mais pourtant éternel, d’un concert.
Omar Sosa sur scène, c’est d’abord, une relation fusionnelle qu’il entretient avec son bassiste, Childo Tomas, avec lequel il parcourt les scènes du monde entier depuis tant d’années. Une relation gémelle comme deux frères qui partageraient une même passion, une même soif d’absolu, qui donneraient le même sens à leur vie ; ils sont un dans deux corps, deux esprits qui résonnent ensemble, unis, complémentaires.
L’un, Childo, est immense, planté, enraciné, souriant ; un bon mètre 90 et le quintal dépassé. La base, la basse est là, terrienne, sans « chi chi », sans virtuosité inutile ; il va directement à l’essentiel. Il est la structure, l’édifice indispensable aux envolées lyriques d’Omar.
L’autre, Omar, immense aussi mais presque frêle, fragile, comme flottant dans les éthers entre plusieurs mondes. La voix éraillée, presque fluette comme si parler lui était inutile. Oscillant entre la Santéria (culte des ancêtres afro-cubain) et la contingence matérielle.
Il y avait d’ailleurs cette complicité, cette osmose inouïe avec le regretté Anga Diaz et je me permets de vous conseiller encore une fois d’acheter l’excellent film de Jean-Robert Thomann « Omar Sosa, le culte des ancêtres » enregistré en 2004 au Festival de Porto Novo en Corse, pou seulement une quinzaine d'euros…, où les trois - Omar, Childo et Anga - ont vibré dans ce monde pour ce qui devrait être probablement, une des dernières fois ?). Peut-être que depuis la disparition d’Anga, cet autre alter ego, la musique d’Omar Sosa (où l’homme ?) a encore mûrie et elle semble aujourd’hui plus resserrée, plus essentielle, moins parasitée par quelques facilités, quelques facéties superflues ou quelques pédales d’effets capricieuses ? Il reste bien sûr, lui-même : éclaté sur scène, délirant, barré, habité, illuminé, un canal ouvert... avec lui, pas de demi mesure, n’est pas cubain qui veut ! Et quelques fois, quand l’adrénaline monte trop, quand la musique tourne tellement qu’il en devient fou, quand des braises ardentes lui démangent les talons, il se lève et fait des choses improbables comme jouer du piano avec les pieds ou se lancer dans une danse frénétique. C’est génial de naturel et d’humanité. Cela n’a rien à voir avec la moindre velléité de show man. Omar est bien plus loin que ça, la tête dans les étoiles. Ce qu’il touche est tellement fort que parfois, il a envie de s’envoler… c’est bien normal quand on est un « bird », un oiseau du piano.
Donc Omar et Childo, piano et basse, voilà l’histoire, leur histoire, cette histoire. Et puis deux autres musiciens sont venus résonner pour ce concert, deux autres musiciens exceptionnels : le batteur Julio Barreto et le saxophoniste/flûtiste Leandro Saint-Hill. Julio est invraisemblable de groove, de puissance et de finesse. Imaginez un petit bonhomme sec, nerveux, secret, casquette blanche « Santériste » rivée sur la tête, lunettes sur les yeux style « Ray Ban », un peu le look de Patato Valdès, qui vous met un enfer d’une rythmique complexe mais déliée, toute en souplesse, libre, qui peut toucher l’extrême puissance et l’infinie délicatesse. Une musicalité et des polyrythmies à faire tourner la tête. Un batteur taillé sur mesure pour servir l’univers, la planète Sosa. Et un saxophoniste, Leandro, brillant, sensible, délicat, qui fait avec tranquillité ce qu’il a à faire. Émerveillé, les yeux rivés sur son mentor qui à tout moment peut lui donner des indications de nuances, et il s’en sort vraiment parfaitement.
Voilà, le décor est planté : - côté Jardin, Omar Sosa, piano "Steinway" quart de queue loué pour l’occasion et à sa gauche un bon vieux piano électrique "Fender Rhodes", devant lui un tout petit synthétiseur qui déclenchera à sa guise bruitage et voix et qui lui permettra de réaliser en direct des boucles sonores ; - côté Cour, la batterie, magnifique batterie (peut-être une Gretsch ?) ; - au milieu lointain, Childo Tomas et son ampli basse et à l’avant-scène, le saxophoniste.
Le tout donne un espace sonore vraiment vertigineux, fait d’une joie exubérante, de sourires, d’une envie inéluctable d’un bonheur partagé, qui va chercher très loin aux confins de la sensibilité et des racines de chacun, une histoire commune, une histoire universelle, une histoire d’êtres humains dédiés corps et âmes à leur raison de vivre : la musique.
La musique d’Omar Sosa ? A quoi bon disserter ! Elle est unique ! Mélange abouti d’une musique cubaine digérée, intégrée, enrichie de toutes les influences de la Caraïbe et sud-américaines possibles, d’une connaissance approfondie du jazz (Omar dit son admiration pour Thelonious Monk (ndlr 1917-1982) et Don Pullen mais aussi pour Chopin !) et d’une envie permanente du retour à l’Afrique, « mère de toutes choses », servie par une virtuosité exceptionnelle. Et ce n’est pas pour rien que Childo Tomas est africain, Mozambicain; il est comme une sorte de lien permanent avec cette « africanité » dont Omar se prévaut constamment, un relais privilégié. Il est cette racine, ce centre, cet ancrage nécessaires à la sensibilité exacerbée du métisse cubain, Omar. Sa présence est aussi déterminante que le culte « Santériste » afro-cubain qu’Omar pratique avec dévotion jusqu’à réaliser des rituels traditionnels de nettoyage des lieux, en entrant sur scène. Childo est un roc, au milieu de l’océan de musique d’Omar, un diamant merveilleux qui sublime l’art délicat du thaumaturge.
Le tout, dans un petit théâtre (250 places) à l’excellente acoustique : les Arcades de Faches Thumesnil près de Lille (aussi centre musical). Et soulignons ici la clairvoyance du programmateur (Éric Dupont) qui a eu l’idée géniale de faire de cette programmation, un des temps forts de sa saison. On peut d’ailleurs se demander pourquoi les temples de la culture de la région, n’ont pas sauté sur l’occasion de programmer Sosa lors de cette tournée ?
En conclusion, ce fut un des plus beaux jours de ma vie, d’homme et de musicien et je comprends mieux pourquoi j’étais comme, attiré par ce concert. Il y a des moments où il ne faut pas trop réfléchir et suivre son instinct, la vie vous le rend bien et la musique encore plus.
Pour illustrer cet article, voici les photos du photographe "d'art" Didier Péron prises le soir du concert. Il a su avec son talent incomparable, saisir l'ambiance, le climat de cette soirée magique.Il nous a fait l'amitié de nous autoriser à les utiliser sur le site. Merci à lui et n'hésitez pas à aller sur son site http://www.myspace.com/dperon_photo pour découvrir et apprécier quelques unes de ces oeuvres magnifiques.
© François Kokelaere – février 2009
© Texte : François Kokelaere. Photographie : Didier Péron | Toutes les œuvres présentes sur ce "post" (message) appartiennent exclusivement à l'auteur (sauf mention contraire) aux termes des articles L 111-1 et L112-1 du code de Propriété Intellectuelle. Toute reproduction, diffusion publique, usage commercial sont par conséquent interdits sans autorisation du titulaire des droits. |
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Mais qui est François Kokelaere ?
Description : Leandro Saint-Hill, Omar Sosa, Childo Tomas, Julio Barreto. Photo by © Didier Péron
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Description : Omar Sosa. Photo by © Didier Péron
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Description : Omar Sosa. Photo by © Didier Péron
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Description : Leandro Saint-Hill. Photo by © Didier Péron
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Description : Childo Tomas. Photo by © Didier Péron
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Description : Omar Sosa. Photo by © Didier Péron
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