Percussions.org

[François Kokelaere]

Et nous revoilà pour la deuxième étape de ce projet, mon compère Fatouabou et moi-même déboulons à Lille début Juillet, pour commencer le travail avec le groupe qui partira en Guinée. Source d'étonnement, la majorité des participants sont en retard, d'aucuns très en retard, d'autres carrément absents. Nous mesurons en un clin d'oeil le fossé qui sépare les professionnels de chez dur à cuire des animateurs socio-culturels. Non seulement un gouffre mais toute une culture. Faire le métier d'artiste n'a rien a voir avec le métier d'animateur en percussion. On le savait mais pas à ce point. Quelques remises à l'heure plus tard et le boulot commence, comme d'hab, Fatouabou qui leur prend la tête avec les rythmes et ses arrangements et moi qui donne du sens à tout cela. Ca fume... Une complicité de quatorze années permet quelques complicités. Il faut savoir que, dans le boulot, nous n'avons aucun état d'âme. Chacun connaît parfaitement son domaine, ses limites et ses compétences. Pas de problème de pouvoir ou d'ego entre nous nous permette de travailler vite et bien. Nous partageons une même rigueur et une même passion du travail bien fait. C'est sûr qu'en face, nos chers nordistes trouvaient la pilule un peu dur à avaler. Discipline, précision, disponibilité, pas facile à assumer quand on n'est pas habitué.

Découverte ou confirmation de quelques fondamentaux de la tenue sur scène, du contrôle de soi, de l'arrangement musical, du discours musical, de la valorisation d'une expression personnelle, de la mise en scène, de la scénographie, de la chorégraphie, de la réflexion artistique, de la conceptualisation, du respect des conventions du collectif, de l'acceptation d'une autorité, des consignes de création, autant d'éléments indispensables à la future création qui se déroulera en Guinée en Avril 2002. N'oubliez pas que tout ce travail doit déboucher sur une création avec les dix artistes de Wofa, soit en gros, quatorze batteurs et six danseurs. De quoi s'amuser! Mais attention, une vraie création de chez créatif, pas la fête de fin d'année du patronage du coin, pas la bande de copain qui vient taper le boeuf, c'est pas le genre de la maison, un vrai spectacle de rencontre où les deux parties auront la moitié du chemin à faire. Un spectacle qui aura de l'allure, de la gueule même. Et tout ce joli monde se retrouvera en Juillet 2002 dans la région Nord pour jouer la chose... Vous comprenez mieux maintenant pourquoi nous avons mis "une certaine pression" sur le groupe nordiste. Sur un tel projet qui demande tant d'investissements autant humains que financiers, nous n'avons pas le droit à l'erreur et il est nécessaire que tous en soient convaincus...

Allez, salut les frappadingues du tam-tam et je ne peux pas résister à l'envie de vous faire lire la conclusion de mon rapport de séjour:

"Est-il nécessaire de rappeler que le djembé et les percussions africaines sont à l'aune d'un essor encore bien plus conséquent que celui que l'on peut constater aujourd'hui? Il ne s'agit pas d'un effet de mode car aucune médiatisation particulière ne vient porter une éclairage significatif sur le secteur mais plutôt, d'un "mouvement culturel" qui monte en puissance depuis une vingtaine d'années. Il faut nous préparer à ce que le djembé soit partout dans les dix ans à venir et c'est donc maintenant qu'il faut qualifier les professeurs et explorer de nouvelles voies de création afin
que ce genre, ne soit pas figé dans les cours de percussion et de danse et que nous puissions offrir une alternative artistique autre que celle du néo-traditionnel.

En terme d'emploi, principalement en direction des jeunes, de convivialité, de vecteur de sociabilisation, de source de création donc d'imaginaire, le djembé est l'outil idéal pour ce faire. D'accès plus facile que d'autres instruments de musique, il s'inscrit pourtant dans le cadre d'une véritable science qu'est la polyrythmie.

La région Nord offre un potentiel et une demande considérables, pourtant le niveau des enseignants est encore très faible et controversé. A nous de qualifier, de former, de faire réfléchir, d'inventer et de faire rêver... "

C'est-y pas beau ça, madame...

Et si le djembé était un "alien" que les africains nous envoyaient pour nous faire payer une certaine ardoise que nous n'arrêtons pas d'expier? Allez, c'est pour rire... Ah oui, c'est vrai, j'oubliais que les djembéfola n'ont pas du tout le sens de l'humour !

François Kokelaere