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Le djembe | 50 ans d’histoire… et la troisième voie
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 06 Mar 2010 22:57    Sujet du message: Le djembe | 50 ans d’histoire… et la troisième voie Répondre en citant

ΞLa voie médiane_____________________

Le tambour djembé et les percussions mandingues, telles que nous les connaissons aujourd’hui, sont apparus en Europe dans les années 60, de façon assez sporadique tout d’abord, avec les premières tournées des ballets nationaux des jeunes états indépendants d’Afrique de l’Ouest et la présence de quelques musiciens installés en Europe.

Inspiré des percussions traditionnelles, le djembé s’est adapté dans un premier temps, à la demande de rendement spectaculaire des shows internationaux de l’époque.

Une première mutation s’est effectuée quand il est sorti du village pour aller sur la scène des ballets de la capitale puis, une seconde, lors de sa rencontre avec l’enseignement de la musique, tel qu’on le pratique en Occident.

Ensuite, après avoir fait jeu égal dans les années 70 avec les percussions d’Afrique centrale, le djembé s’est développé tranquillement dans les années 80 et a pris son envol dans les années 90 avec l’avènement de quelques grands maîtres du genre. Les écoles, les stages, les méthodes, les professeurs patentés fleurirent et le tambour djembé devint l’instrument incontournable des étals des magasins de musique.

Il devint tour à tour traditionnel, virtuose, savant, scolaire, social, socio-culturel, convivial, psychothérapique, etc.

Les années 2000 virent une certaine stabilisation du « phénomène djembé ». La « djembémania », la folie du djembé tous azimuts étant quelque peu retombée, l’accès à internet multipliant les informations et les échanges, les séjours en Afrique s’étant organisés, les cours s’étant structurés, le djembé a fini par trouver son rythme de croisière dans les années 2010.

Dans les années 90, nous écrivions un texte sur « le Chemin du djembé » (en collaboration avec Nasser Saïdani) - 20 ans déjà – et nous réfléchissions au parcours de cet instrument lié aux diverses migrations des musiciens d’Afrique de l’Ouest et à sa rencontre frontale avec la culture occidentale.

Nous avions tenté dans ce texte, de décrypter les rapports complexes, qu’ont toujours entretenus nos peuples, Africains et Européens, tout au long de ce formidable voyage qui a conduit le djembé du village africain aux scènes et aux écoles du monde entier. Puis d’autres textes sont venus compléter cette réflexion (voir références sur ce lien).

50 ans, que le djembé est sorti du village et 20 ans qu’il a pris son essor d’abord en Europe, puis dans le monde entier.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Peut-on vraiment parler d’une évolution ou d’une forme de régression ?


• La quantification •

Un phénomène nouveau est apparu avec le souci occidental de quantification des rythmes, des soli, des phrasés.

Des diplômes viennent aujourd’hui sanctionner le savoir-faire : diplôme d’état - DE, CA et diplômes privés – Tam Tam Mandingue [label de Mamady Keïta, ndlr], etc.

De nombreux professeurs labellisés ont ouvert des échoppes qui ne désemplissent pas et d’autre part, le djembé s’est invité dans les conservatoires et les écoles municipales de musique.

Le sérieux, l’engouement et la qualité de l’enseignement produit a crédibilisé l’instrument.

Il serait intéressant de s’arrêter quelques instants sur ce phénomène car nombreux sont ceux qui ne se retrouvent pas dans cette « mise en cadre » des percussions mandingues, nombreux sont ceux qui éprouvent comme une sorte de malaise et qui n’arrivent pas vraiment à se situer dans cette débauche de structuration mais le problème est complexe et touche à de nombreux paramètres.

Inéluctablement, toute forme artistique, à un moment ou à un autre de son existence, tend à une hyper-technicité, à une surenchère de virtuosité. Quel que soit l’instrument, quelle que soit la discipline, l’être humain est ainsi fait qu’il doit accumuler, capitaliser, thésauriser, valoriser. Il lui faut connaître de plus en plus, détenir un maximum d’information, toujours plus. Il lui faut jouer toujours plus vite, toujours plus longtemps, accumuler la plus grande quantité possible de savoir-faire, il lui faut être toujours plus intelligent.

• Pourquoi ? •

Par simple curiosité, diront les humanistes, par simple envie de progrès ! Peut-être ? Mais les autres, les « pisse-vinaigre », diront qu’il s’agit surtout d’un immense et incontrôlable désir d’exister, de paraître.

Une incommensurable envie d’être « reconnu », d’être aimé. « Si je joue plus vite, plus fort, si je connais plus de rythmes, de variations, de phrasés, je suis plus intelligent et donc plus fort que toi ! J’ai donc un ascendant sur toi et donc, plus de pouvoir. J’existe, j’existe enfin dans ce monde d’anonymat et JE brille plus que toi.

Et si j’ai un savoir faire que tu n’as pas, peut-être pourrais-je en tirer quelque profit ? Un profit pécuniaire, existentiel, social, peu importe, pourvu que j’en tire quelque chose. On ne fait rien pour rien, mon gars… 
».

L’être humain est malade de son ego, malade de sa peur existentielle de manquer, il refuse de voir qu’il n’est que de passage et qu’en fait, rien ne lui appartient jamais. Que restera-t-il de notre ego quand nous serons six pieds sous terre ou réduit en cendres? Il faudra juste quelques mois ou au mieux, quelques années pour disparaître de la mémoire collective. Ce n’est pas nouveau, c’est la source de tous nos maux alors pourquoi le djembé échapperait-il à la règle ?

Ainsi va le monde… Accumuler, accumuler, toujours plus. Prévoir…

Pour être « efficace », il faut théoriser. Mettre la percussion mandingue dans un cadre et si possible, celui qui existe déjà : l’enseignement de la musique, les écoles, l’institution, etc. Il faut être « reconnu ». « Ça a quand même un plus de gueule d’enseigner au Conservatoire qu’à la MJC du coin ! ».

Il faut figer les choses à un moment donné, fixer les rythmes, définir une bonne fois pour toute leur nom, leur variation, leur origine, les écrire et même si cela est fait sans aucune approche scientifique, à la louche. Pas d’enquêtes contradictoires, la parole du maître du moment ou de tel musicien devient parole d’évangile. Tel rythme doit se jouer comme ça et pas comme ça. Il y a la bonne façon de jouer et la mauvaise. «Moi, je connais, dit…" De toutes façons, pas le temps de vérifier… et l’élève aime tellement croire que son maître détient LA vérité.

En fait, il peut lui raconter n’importe quoi sur n’importe qui, il le croira toujours aveuglément. C’est son maître et ça l’arrange bien de fonctionner ainsi. Il y a ceux qui connaissent, en général MOI bien sûr et l’autre, cet abruti, qui ne connaît rien, "il ne sait même pas jouer tel rythme, il mélange tout, tu te rends compte…".

Pourquoi si peu de travail universitaire concernant le djembé ?

Et si le fait que l’université ne s’intéresse pas de trop près à notre gagne pain arrangeait tout le monde ?

Cela ne nous permet-il pas d’entretenir toutes les mystifications, toutes les contradictions, toutes les supercheries ?

Affirmer sa posture de détenteur du savoir et abuser de sa position. La tentation est grande.

C'est tout le problème du candidat qui se retrouve avec dans son jury, un référent qui ne peut pas l'encadrer pour x raisons. Ce référent influencera comme il le veut les autres membres du jury, qui par définition, lui font confiance. C'est pourquoi un référent ne devrait pas pouvoir faire partie deux fois d'un même jury afin de donner une petite chance au candidat malchanceux de ces retrouvailles inopportunes, de se représenter à la prochaine session.
Quant on sait ce que représente la préparation de ces diplômes pour le candidat et qu'il peut se faire bouler avant même d'avoir joué une seule note, c'est assez terrifiant.

En fait, mieux vaut être copain avec un des membres du jury, c’est plus sûr !

Bien sûr, tant que l'homme sera l'homme, ce genre de situations ne pourra pas être évité, surtout, qu'à un certain niveau, ce sont toujours les mêmes que l'on retrouve.

Il n'y a pas tant de référents que ça par spécialité et grand est leur ego…

Écraser l’autre, voire l’humilier. Régler ses comptes:

« Ah, tu as osé dire du mal de moi il y a 15 ans et maintenant tu te retrouves face à moi, éminent membre du jury ! Ah, ah, mon petit gars, tu peux toujours repasser pour l’avoir ton diplôme… »

ou alors, autre grand classique:

« Mais comment, tu as osé aller travailler avec un autre maître que le mien qui est le seul au monde à connaître la vérité, la seule vérité, l'unique vérité, la vérité vraie. Tu as osé aller travailler avec ce minable qui ne connaît rien à rien? Sacrilège, viré, par ici la sortie."!

Eh oui, c’est comme ça que ça se passe dans le monde merveilleux de l’obtention des diplômes, très souvent, la subjectivité du référent prend le pas sur l'objectivité de son avis.

« Il ne manquerait plus qu’il prenne ma place ! C’est MOI qui sait, un point c’est tout. D’ailleurs je suis membre d’un jury ministériel, je suis DIPLÔMÉ de l’UNIQUE école du grand gourou du djembé reconnue internationalement dans le monde entier et dans l’univers, ce n’est pas pour rien, quand même…

Des années que je tape sur mon tam-tam à m’en exploser les mains et les oreilles, ce n’est pas pour que le premier corniaud venu, sorti de nulle part, vienne me raconter des sornettes, telles que ce rythme peut aussi être joué comme ci ou comme ça.

Comment ça lui aussi il a fait des recherches en Afrique ? Non mais pour qui il se prend, ce merdeux. Qu’est-ce qu’il connaît ? Moi j’ai fait des stages avec Grand Maître Champion, Gourou Universel, La main qui Tue, la Cadence Infernale, Djembé de Feu, même avec des papis perdus au fond d’une brousse improbable où j’ai attrapé le palu et la dysenterie et l’autre, là, vient me dire qu’on peut jouer ce rythme autrement dans le village d’à côté. Exit, dehors… Pas de diplôme, pas gentil, pas bon élève soumis.

Nul, zéro, pas bon. Dehors ! Méchant bouseux. Repassez dans quatre ans, dans dix ans, dans mille ans, tiens. Dehors, je vous dis. Je ne veux plus vous voir. Le Boss, ici, c’est moi, pas toi, petite merde. Dégage, ignorant ! ».


Le trait est un peu grossi, certes, mais ça doit en faire sourire plus d’un et grincer quelques dents quand même!

Nous sommes tous complices de cette situation.

L’homme est un énergumène intéressant, européen et africain compris ; il a déjà oublié d’où vient le djembé ou plutôt, il fait semblant d’oublier car il le sait très bien. L’homme occidental, « l’homo occidentalus » adore faire semblant. Faire semblant de croire que tout ne va pas si mal en Afrique, faire semblant de croire que les Africains s’y retrouvent dans l’histoire.

Faire semblant de partager des choses fortes avec ses frères africains ; ses « amis » africains… L’homme blanc est généreux, dispendieux avec qui lui fait allégeance et ses moyens sont illimités quand il aime.

Par contre, il sera le premier à brûler sur l’autel du djembé et à salir la réputation de son maître bien-aimé si celui-ci se rebiffe. Au premier grain de sable, au premier problème d’argent, c’est la guerre.

Quelle blague ! Bien sûr, il se rend régulièrement à la source en Afrique, auprès de ses frères africains, mais pour mieux enfermer dans « le cadre » le fruit de son larcin.

L’homme africain quant à lui, à faim et grande est la famille à nourrir, alors… si le blanc veut payer pour acheter sa culture, après tout qu’il paie !

Je le sentais venir déjà en 90, supputant que cet « homo occidentalus », sans aucun état d’âme et en toute humanité, « néo-coloniserait » le djembé. C’est plus fort que lui, il est programmé pour cela. Il l’a fait insidieusement, mine de rien, comme il fait toujours, en « toute humanité », « généreusement ».

Il s’est approprié la culture africaine comme il s’approprie tout ce dont il a envie, comme autant de jouets, de loisirs, que son pouvoir d’achat lui permet d’acheter.

Alors il achète, il achète les hommes, il achète les rythmes, il achète tout ce qu’il veut, d’ailleurs tout s’achète et se vend en Afrique, même l’amitié, puis, il passe tout cela à la moulinette de son mode de fonctionnement, du « tout quantifié » et il impose les règles. Ou les Africains jouent le jeu, ou on se passe d’eux ! Et puis ils sont tellement nombreux à avoir faim…

« Finalement, on peut aussi bien jouer sans eux, quelle importance ? Ils sont si compliqués nos amis africains : toujours en retard, toujours dans des galères d’argent, de papiers, de femmes et avec un ego gros comme ça ! Pourquoi ne pas se passer d’eux au fond, c’est tellement plus simple ? ».

Et à force de s’adapter, à force de vouloir bien faire, de jouer le jeu des européens, à force de tout vendre, à force d’avoir faim, les musiciens africains ont fini par jouer plus vite que leur ombre, à privilégier la forme et leur ego, à un contenu et à l’essence de leur culture.

Et cela fait tellement plaisir à leurs amis européens qui les rémunèrent gracieusement pour cela. Alors ? « Grande est la famille à nourrir, mon frère… »

Comme si, en Afrique les choses étaient figées. Tous savent qu’un même rythme peut être joué de façon complètement différente selon l’ethnie, le pays, la région, le village, la personne qui le joue, le moment, la situation. Mais ça, ça n’entre pas dans « le cadre ».

Même au plus profond d’un village perdu du fond de l’Afrique, vous revenez un an après et les musiciens du village jouent déjà différemment le rythme que vous avez entendu l’année passée. Même si, bien sûr, les rythmes finissent par trouver une stabilité relative en fonction des hommes qui les jouent.

Par définition, la musique traditionnelle est en perpétuel mouvement et subit toutes les influences des rencontres, des migrations, des peuples et des hommes. C’est bien ce qui fait sa richesse. Et cela n’a jamais posé aucun problème en Afrique avant que l’homme blanc ne s’intéresse au « tam-tam ».

« Avant que l’homme blanc ne mette le tam-tam dans une boîte » me disait un vieil Africain lucide.

Le paradoxe est grand et la perversité des hommes, monumentale car tous les détenteurs de diplômes, tous les spécialistes de la chose, africains ou européens, savent parfaitement comment cet art de la percussion se transmet en Afrique et cela n’a rien à voir avec ce qui se passe en Europe.

Mais qu’est-ce que cela peut faire à un musicien africain que les blancs s’approprient sa culture, qu’ils la dissèquent, qui la réduisent à portion congrue de rythmes numérotés, si cela lui rapporte de quoi nourrir sa famille ? Quel problème y a t il a cela ? Tout se vend, tout s’achète…

On ne peut nier aussi que cette rencontre ou plutôt ce choc, entre la culture occidentale et la percussion mandingue a été un formidable vecteur de rapprochement des peuples. Et tant pis pour ces jeunes musiciens de 18 ans, totalement illettrés, sortis tout droit des quartiers de Conakry, modestes batteurs des ballets de quartier puis déifié au rang de grand maître par quelques humanistes inconscients et aujourd’hui, en perdition, faute d’avoir eu les outils nécessaires et l’encadrement psychologique adéquat au grand saut.

Il ne peut pas y avoir de tels chocs culturels sans casse… Et grande fut la casse car pour quelques-uns qui ont su s’adapter combien ont explosé en vol ? Et comment mesurer l’insondable souffrance provoquée par le déracinement, combien de malheurs cachés derrière le sourire de façade, combien d’alcool et d’excipients en tout genre pour masquer la douleur et la frustration ? « Mais ça, c’est leur problème. C’est toujours de la faute de l’africain quand ça tourne mal, c’est toujours lui qui ne joue pas le jeu. » dit « homo occidentalus ». On veut bien prendre le meilleur de l’Afrique mais on lui laisse le pire !


• L’amnésie générale •



Pour mémoire, car une amnésie générale a envahi nos chers détenteurs du savoir et nos garants de l’institution :

• en Afrique les choses se passent de manière radicalement opposée. L’apprenti est immergé dans la musique, jamais son maître ne lui montre quoi que ce soit. Il se débrouille pour entrer dans le rythme par ses propres moyens. Comment ? C’est son problème… Par rapport à quoi, à quels repères, C’est toujours son problème. La seule pédagogie du maître est « c’est bon ou c’est pas bon », « c’est ça ou c’est pas ça »., « je te laisse jouer ou arrête ».

Et l’apprenti mettra le temps qu’il lui faut, pour assimiler ce qu’il doit apprendre. Il ira plus loin qu’une écoute attentive, il « entendra » une globalité, un feeling ; heure après heure, nuit après nuit, semaine après semaine, année après année, il sentira un mouvement, une entité rythmique, mille et un autres petits paramètres intangibles.

Il vivra avec son maître qui le nourrira, l’hébergera en échange de menus services et surtout, en participant à l’accompagnement des rythmes du groupe de son maître lors des contrats.

Tant qu’il n’aura pas assimilé la voix qui lui est impartie, il n’en jouera pas d’autre. Autre élément déterminant, l’apprenti devra s’intégrer à un groupe qui connaît déjà les rythmes demandés car il n’est pas question pour un chef-tambour, de jouer d’une façon approximative lors d’un contrat pour une cérémonie, une fête, sa réputation et son salaire en dépendent.

L’apprenti va devoir se fondre dans une pulsation qui existe déjà, avec tous les éléments qui la constituent, tous les paramètres visibles et invisibles. Il entre dans une polyrythmie qui fonctionne déjà sans lui.

Il va ainsi développer par mimétisme, presque par capillarité, une écoute, une sensation, une attention, une impression, une émotion, une approche particulière. Et il en ira ainsi pour chaque rythme, tout au long de son éducation rythmique. Il devra tout comprendre par lui-même. « Voler les rythmes » comme disait avec beaucoup de pertinence le regretté Soungalo Coulibaly. « Voleur » ou plutôt « emprunteur » génial de rythmes dans les rues d’Abidjan.

Jamais il ne fera un quelconque travail solitaire à la maison, il ne jouera qu’en groupe, dans le collectif, dans la « machine à rythme ». Ses gammes, il ne les travaillera jamais seul, elles viendront presque spontanément, naturellement, dans le jeu. Il restituera ce qu’il a entendu, puis, selon son talent personnel, complètera toujours naturellement, les phrases.

Il se laissera faire par le djembé, se laissera conduire. Se laissera jouer plus qu’il ne jouera lui-même. Comme disait un djembéfola a son élève européen « mais toi, ça ne va pas, tu joues avec les mains ! ».

Regard interloqué de l’élève, cherchant désespérément le sens de cette phrase ?

• En Europe, la pédagogie fonctionne de manière radicalement différente.

La percussion est enseignée dans le cadre de cours magistraux au sein d’école ou de stages, dont la durée est à peu près universellement codifiée : une heure trente pour le cours hebdomadaire, quelques heures pour le stage de week-end et un peu plus pour le stage d’été ou au pays.

L’étude doit entrer dans une temporalité définie par le cadre de l’enseignement.

De 18h à 19h30 car de 19h30 à 21h, le professeur a déjà un autre cours. L’apprenti va devoir assimiler des formes, des recettes, des patterns, de façon totalement abstraite car même si le professeur fait tourner le rythme, ce dernier ne tourne pas comme il devrait tourner, puisque les élèves ne le connaissent pas et il suffit d’un seul qui ne connaît pas parfaitement la polyrythmie, pour que la résonance, la phase du rythme, ne puisse se faire.

Et l’on ne parle même pas de l’illusion du nombre qui fait que dans les pièces résonantes, et c’est souvent le cas des lieux de cours ou de stage, les sons se mélangent en un brouhaha épouvantable. Cet instrument, à la base, était fait pour être joué en plein air.

Mais cela n’a pas l’air de déranger qui que ce soit !

Peut-être même que les élèves cherchent cette illusion de « savoir jouer » et « on est tellement bien ensemble au cours de djembé… » ?

Y’a pas de mal à se faire du bien, après tout !

Puis, l’élève emmène du travail à la maison ou plutôt dans la froideur de sa
cave ou d’une pièce sourde sans lumière car « ça fait du bruit ton tam-tam… ».

Donc il travaille sa phrase, comme ça, tout seul et revient au cours la semaine suivante : gentil élève qui a bien appris sa phrase. « Professeur content, bon élève ! ».

S’il continue comme ça, il pourra peut-être un jour passer dans le niveau
supérieur. Qu’est-ce que nos amis africains doivent se marrer, au fond d’eux-mêmes, quand les blancs ont le dos tourné?

Afin de disséquer le rythme ou la phrase, le professeur va les décomposer, quitte à changer de pulsation. L’un de mes bons amis demandant à un grand chef tambour pourquoi quand il expliquait tel rythme, il le montrait en binaire alors que celui-ci était ternaire à son tempo normal, se vit répondre « Bah, c’est la même chose… ».

Effectivement, dans une logique totalement déconnectée de sa vérité culturelle, de sa réalité, « c’est la même chose ».

Pour un cours magistral à des occidentaux, c’est la même chose. Bien sûr que non, ce n’est pas du tout « la même chose ».

C’est seulement le résultat du choc frontal des cultures qui vide de son sens une histoire, un vécu, une tradition séculaire. C’est l’absurdité totale d’un mode de transmission vidé se son contenu.

J’ai longtemps cru que les deux manières de transmettre pouvaient être complémentaires, je n’en suis plus du tout sûr aujourd’hui.

• Plus vite que leur ombre •



A apprendre à jouer plus vite que leur ombre, les techniciens du djembé ont oublié de faire de la musique. J’ai encore reçu, il y a quelques semaines, le x-nième disque d’un jeune musicien ivoirien, qui joue à deux mille à l’heure, avec des arrangements toujours plus compliqués, un bavardage incessant pour ne rien dire : x-nième clone, du clone, du clone…

Saoulant ! Ces musiciens de la nouvelle génération ne se rendent même plus compte qu’ils sont assis sur un tas d’or, leur culture, et ils passent à côté de l’essentiel, simplement pour impressionner les blancs, dans l’espoir de se faire remarquer afin de réaliser un disque et pourquoi pas, une tournée ?

« Et puis une fois qu’on est en Europe, une fois qu’on a trouvé un petit blanc ou une petite blanche pour nous faire voyager, il y aura peut-être moyen de rester ? » C’est cru bien sûr, c’est terrible même, mais c’est comme ça que ça se passe et personne ne peut reprocher à un jeune africain de vouloir quitter sa galère quotidienne et la pression familiale du pays. C’est tellement facile, vu de France, de donner des leçons à nos « chers amis» africains.


• La grande épicerie •



Finalement, cette histoire arrange tout le monde car encore une fois, plus on enferme l’instrument dans des cadres, des méthodes, des cours, de plus en plus figés, de plus en plus fermés sur eux-mêmes, vivant presque en autarcie et plus « la grande épicerie » peut perdurer.

Plus la vélocité devient virtuose, plus l’arrangement devient complexe, plus les breaks sont spectaculaires et plus celui qui les produit peut briller ; ce qui est toujours une plus value intéressante. Plus les professeurs assomment leurs élèves de leur virtuosité et plus les élèves sont ravis d’avoir des enseignants aussi brillants. C’est la loi du Far West : tirer plus vite que son ombre.

Ainsi fonctionne « homo occidentalus », programmé depuis son enfance pour se laisser gouverner par sa pensée. L’école, le cursus, la méthode cartésienne, le rassure, avec un vrai professeur propre sur lui, ponctuel, compétent, charmant, musclé et ordonné. Il en a ainsi « pour son argent ». Il paie et reçoit en échange un service avec la méthode, les disques, les dvd et souvent le tee-shirt et la casquette qui vont avec (si, si, c’est véridique). Pourquoi pas… et de toutes façons, il ne peut pas en être autrement. Mondialisation oblige. La vénalité gouverne le monde, ce n’est pas nouveau et les crises financières successives, sont là pour nous le rappeler.

Le djembé continue sa mutation inexorable, c’est la loi de toute chose. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de jouer le djembé et les percussions mandingues, il y en a autant qu’il y a de villages, de pays, de musiciens, d’histoire. Après, c’est à chacun d’y retrouver ses petits selon ses propres goûts, son vécu, ses envies, son parcours.


• Une nouvelle façon de jouer •

Une nouvelle façon de jouer est née dans les années 90 qui privilégie la technique à la musicalité et à l’émotion, la surenchère de notes à la respiration, la forme à son contenu. Une nouvelle façon de « déjouer », de courir après des records de vélocité, des abysses de compétence, des monuments de connaissance.



Des « athlètes du djembé » ont vu le jour qui affichent sans vergogne leurs biceps au gré de leur publicité. Une nouvelle façon qui « dit » tout sans induire, qui endort par l’empilement des phrases qui se succèdent à la vitesse de la lumière. Une illusion auditive qui tient plus de l’abrutissement que de l’extase. La technique a toujours rassuré car elle croit masquer le vide du discours musical.

Et alors, c’est très bien comme ça ! Du moment que certains s’y retrouvent. La grande majorité d’ailleurs puisqu’ils peuvent se situer par rapport à leur propre mode de fonctionnement. Et puis on est en démocratie alors, tout est permis…

La tentation est forte d’opposer une façon de jouer « traditionnelle » à une façon disons, « moderne ». Mais la raison nous dit que tout se mélange, toujours. Les deux existent avec tous leurs ersatz et déclinaisons possibles comme il existe mille et une façons de s’approprier, de revisiter la percussion mandingue, comme il existe mille façons de faire de la musique.

Il faut bien des écoles, des stages, des professeurs, des diplômes et des concerts pour divulguer cette nouvelle approche, qui s’éloigne chaque jour un peu plus d’une façon de faire africaine qui respectait certaines valeurs culturelles qui tenaient du respect de l’aîné, du groupe, du collectif.

Une histoire foisonnante, riche de multiples métissages, une cohérence dans la relation au temps, dans son appréhension de la vie sociale, d’une mystique reliée le plus souvent à une dimension spirituelle qui pouvait s’approcher d’une forme d’initiation, de la formation et de la structuration de la personnalité.

Il faut bien des professeurs pour apprendre à jouer pour apprendre la technique. Et puis, plus on a de technique et plus on peut être libre sur son instrument mais aussi, plus on peut s’enfermer dans cette technique.

Tout dépend en fait, si la technique est utilisée au service d’un propos musical ou si elle se veut une fin en soi. Un simple outil ou une finalité.

Quand on voit aujourd’hui comment les jeunes djembéfola des capitales d’Afrique de l’Ouest sont subjugués par la quête de la vélocité et comment ils véhiculent les comportements opportunistes qui vont avec, on peut imaginer que cette « nouvelle façon de jouer », cette nouvelle façon de penser le djembé fait déjà office de référence.

On peut toujours rêver que cette technicité exacerbée finira bien par montrer ses limites et quand les virtuoses de la Kalachnikov seront au pied du mur et qu’ils auront brûlé toutes leurs cartouches alors, ils se mettront peut-être à faire de la musique… on peut toujours rêver !

• Une génération qui disparaît •

Toute la génération de djembéfola formés à la dure école urbaine des ballets nationaux et qui avaient encore en peu, gardé un pied au village, une main dans la tradition, est en train de disparaître. Ils ne sont plus qu’une petite poignée, âgés de plus de soixante ans, qui avaient su se forger une personnalité musicale et sonore. Il était très facile de distinguer, en aveugle, le jeu de ces grands djembéfola.

Qu’en est-il aujourd’hui de la jeune génération ? Quel djembéfola retiendra-t-on parmi les mitrailleurs de notes ? Lequel à un son, une personnalité musicale qui le distingue singulièrement des autres, lequel se détache du lot ? Est-ce que cela veut dire que le jeu s’est uniformisé, que les djembéfola d’aujourd’hui jouent tous pareils et qu’ils sont finalement très peu créatifs ? Et qu’en est-il de tous ces percussionnistes européens ?

Après toutes ces années passées à s’échiner sur leur tambour, après tous ces voyages en Afrique, combien ont réalisé une œuvre significative ?

Finalement, le compteur n’est-il pas bloqué depuis plusieurs dizaines d’années ? Le djembé n’a-t-il pas déjà rendu son verdict ?

D’un côté, la quête absurde d’une vélocité vidée de son sens musical et de l’autre, l’incapacité des percussionnistes à créer, à faire de la musique, à faire évoluer de l’intérieur une expression artistique majeure.

Les seuls qui ont inscrit une œuvre contemporaine ne sont-ils pas ceux qui ont su sortir du carcan étroit du monde étriqué de la percussion mandingue pour se frotter à d’autres disciplines, à d’autres instruments, à d’autres cultures ?

• Une troisième voie médiane •

Les grands djembéfola africains ont compris très tôt, qu’ils devraient de toutes façons, adapter leur art à la psychologie des blancs s’ils voulaient travailler et commercer avec eux et ils l’ont fait un peu par la force des choses ; cette relation nouvelle avec l’étranger européen, les a d’autre part, obligés à réaliser une véritable introspection et un retour aux sources.

Demandeur d’informations toujours plus précises, grand consommateur de rythmes, adepte de « l’authenticité », « homo occidentalus » a exigé de son partenaire africain une plus grande connaissance de sa culture et de son histoire. Nombreux sont les musiciens africains et même parmi les plus grands, qui ont du aller se ressourcer auprès de leurs aînés ou au village, sous la pression de leurs élèves européens.

C’est le grand paradoxe de l’histoire de ces batteurs africains, urbanisés dans les ballets et complètement coupés de la tradition rurale, qui sont retournés au village par une obligation de « traditionnalité » exigée par les européens. Ce phénomène n’a eu lieu en fait, qu’à partir du début des années 80 et correspond à la première grande migration en Europe des djembéfola.

Et que dire des djembefola européens qui ont su entretenir avec les musiciens africains une relation équilibrée, humaine et sincère. Nombreux sont ceux qui n’ont cessé de chercher des transversalités musicales en multipliant les rencontres, des visionnaires, des précurseurs, des « artistes-musiciens », qui dès la fin des années 70, avaient déjà tout compris à la problématique de la mutation et de la rencontre.

Et que dire de ces jeunes djembéfola d’aujourd’hui, échappés du carcan des écoles, qui cherchent à leur tour une alternative à l’histoire. Ils sont de plus en plus nombreux à se poser des questions.

Que faire de cette passion ? Comment l’intégrer à leur parcours personnel ? Comment s’approprier de façon lucide et consciente cet univers des percussions mandingues, tout en respectant son essence, sa vérité ? Comment faire en sorte de continuer le Chemin, de continuer à nourrir la mutation ? Comment cultiver la rencontre ? Comment s’épanouir humainement et musicalement ? Comment entretenir une relation équilibrée, raisonnée et apaisée avec nos frères africains, nécessaire à l’émergence d’une troisième voie médiane et créative, indispensable au cheminement de l’histoire ?

Nombreux sont ceux qui multiplient les expériences, les recherches, les créations, les rencontres interdisciplinaires, Africains et non-Africains, et qui sont déjà sur le chemin de cette troisième voie : la voie médiane.

Ces chercheurs invétérés, explorateurs modernes de la chose artistique, sublimes poètes de l’impossible, dompteurs d’étoiles et autres créateurs de rêve.

Rendez-vous dans 20 ans ! …

© François Kokelaere, Février 2010.

François Kokelaere créa et dirigea entre autre, l’Ensemble National des Percussions de Guinée de 1987 à 1995 et la troupe internationale Wofa. Il continue aujourd’hui un parcours de musicien en duo avec le tubiste François Thuillier et le saxophoniste Julien Soro. Il compose aussi pour la danse contemporaine et « conseille artistiquement » depuis peu, la chanteuse camerounaise Kareyce Fotso.

•-> Retrouvez les textes de François Kokelaere sur http://www.heureduthe.com

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Nikko
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MessagePosté le: 07 Mar 2010 10:20    Sujet du message: Répondre en citant

Bravo pour ce texte , j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ces lignes !



Smile

Stay in Groove!



Nikko
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black panthere
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MessagePosté le: 07 Mar 2010 13:42    Sujet du message: AILLEURS INCONNU . François Kokelaere Répondre en citant

Grand merci

C'est l'heure de l'apéro !!!!

....... Et la troisième voie.

La route est longue vers le chemin de liberté.




Message de modération => votre message a été modifié, merci de ne pas écrire vos commentaires en lettres capitales.
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Crucciani David
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MessagePosté le: 07 Mar 2010 18:51    Sujet du message: Répondre en citant

Salut ,

Un grand Merci a François Kokelaere qui a fait un bel article sur le djembe Cool

corsicapercu
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The Boss
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MessagePosté le: 07 Mar 2010 20:34    Sujet du message: Répondre en citant

Tu as raison François ; ton article m'a intéressé.

Je ne tiens pas à épiloguer, et je pense qu'il serait assez mal venu de ma part de parler de ma propre expérience du Djembé, car je me suis depuis trop longtemps et bien malgré moi, retiré de l'univers que tu sembles être encore capable aujourd'hui d'analyser en profondeur, avec une pointe d'acidité qui caractérise toujours ton style.

Donc 10 après, ce pourquoi on s'est battu, parfois avec ton aide (quand je dis on, je pense à Jimmy), me semble n'avoir servi à rien.

Quand j'ai commencé à fréquenter Mamady Keïta, Cécé Koli, Famoudou Konaté ou ses fils, je pensais, vue de l'intérieur, qu'il serait possible de montrer un jour au reste du monde (des incultes incapable d'imaginer à quel point il est féérique d'écouter un véritable ballet de percussions mandingues) que le djembé n'était pas un simple instrument destiné à péter les tympans ou à détériorer ses relation avec son voisinage.

Je pensais vraiment à l'époque, qu'on pourrait un jour anoblir cet instrument, et qu'on cesserait définitivement d'associer les buveurs de bières et fumeurs de pétard au joueur de percussions africaine.

Aujourd'hui, j'ai l'impression que rien n'a changé. On a peut être sophistiqué ou occidentalisé l'apprentissage de la percussion, mais nous n'avons pas réussi à populariser ces rythmes africains.

Signe du temps, ce soir sur 7 à 8 sur TF1, on parle de Salsa et de danses afro-cubaines. Mais on ne parle ni de danse africaine, et pas plus des rythmiques qui leur sont associées.

J'ai peur que dans 20 ans, rien ne puisse vraiment changer pour le Djembé. Si ce n'est que nous serons sans doute tous beaucoup plus nostalgiques (l'âge aidant) en songeant aux merveilleux moments passés à vivre des moments magiques, avec les anciens qui nous auront laissé leur héritage que nous n'aurons pas été capable de préserver.

Toucouleur
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 08 Mar 2010 11:08    Sujet du message: Répondre en citant

Hello Boss, ravi de te retrouver sur la toile.

C’est tout le contraire, mon pote. Tout reste à faire, tout reste à inventer. C’est le Far West !

Bien sûr que ça n’a pas beaucoup bougé mais quand même...

Les ballets « néo-trad » fonctionnent toujours de la même manière. Rien n’a changé depuis les années 60. Ils véhiculent la même image du djembé et de la danse africaine. Ou du moins, ceux qui ont essayé de la faire évoluer n’ont pas réussi car « l’homo occidentalus » est bloqué dans ces clichés néo-colonialistes.
Mais il ne faut pas oublier aussi, qu’une danse contemporaine africaine a émergé dans les années 90.

Le djembé, lui, a bougé puisqu’il est entré dans les conservatoires ; chose inimaginable dans les années 70/80. Il s’est structuré, assagi…

Les groupes de djembé, eux n’ont guère bougé depuis les années 90. Mais ça, ce n’est pas de la faute du public mais bien celle de ceux qui pratiquent, eux-mêmes scotchés sur des stéréotypes et peu enclins à l’ouverture. Mais en ont-ils vraiment les outils ?

Bien sûr que si, l’image du djembé a évolué chez le « Vulgum Pecum » avec le niveau technique et la virtuosité qui impressionne l’homme simple. D’ailleurs dans la tête des fumeurs de pétard et autres grands consommateurs d’alcool en tout genre, le djembé a entre temps, été remplacé par le djidjéridou et aujourd’hui par je ne sais quoi…

Ce qui bouge, c’est dans nos têtes ?

La perception que nous avons de l’Afrique.
Notre relation à « nos amis » africains. Une relation plus équilibrée, apaisée, raisonnée.
Le « Long sanglot de l’homme blanc » comme dit Pascal Bruchner.
L’envie de faire autre chose que du trad pur et dur, même si c’est tellement agréable d’en faire.
L’envie d’aller voir vers d’autres cultures, d’autres disciplines, d’autres cieux.
L’envie d’en parler, de mettre à plat l’histoire compliquée de cette aventure.
L’envie de faire le point.
L’envie d’assumer nos différences.
L’envie de faire de la musique, sans étiquette, sans être obligé de se définir.
L’envie d’Être nous-mêmes, tout simplement. Ni fiers, ni arrogants, nous-mêmes, comme nous sommes. Avec nos parcours, nos sensibilités, nos personnalités, différents.

Le grain de sable, le questionnement, sont devenus une voie à part entière. Inéluctable, elle trouve naturellement sa place au milieu des deux premières : la voie du trad et la voie du Tout technique qui ne satisfont plus les adeptes de l’ouverture. Il a fallu du temps, il a fallu que les choses se décantent mais finalement, l’émergence du djembé est quelque chose de si récent, comment aurait-il pu en être autrement ?

Alors tous les espoirs sont permis et les créateurs vont enfin s’assumer, se réaliser, s’affirmer.

Ils ont vingt ans pour ça !

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Marco31
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MessagePosté le: 09 Mar 2010 7:23    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour ce bel article !

Je précise que François Kokelaere a également préfacé la remarquable méthode de Cyril Piquet : Sega Kan Do (en vente sur l'eBoutik), ou l'apprentissage du tambour djembé selon les leçons du grand maître malien Séga Sidibé.

Smile

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François Kokelaere
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MessagePosté le: 09 Mar 2010 9:05    Sujet du message: Répondre en citant

Suite à un message privé, juste une petite précision à propos de la phrase:

« Ça a quand même un plus de gueule d’enseigner au Conservatoire qu’à la MJC du coin ! ».

qu'il faut bien sûr, prendre au second degré.

Un de mes bons amis qui enseigne dans une MJC et qui fait un excellent travail, s'est senti quelque peu "chambré".

Mille excuses cher ami, il est bien entendu que les MJC font du bon boulot, souvent dans des quartiers difficiles et qu'il y a d'excellent profs de djembé dans ces officines (faut pas généraliser quand même, mon ami... ce n'est pas parce qu'on connaît quelques rythmes qu'on est forcément, un bon prof. Connaissance et enseignement, ne font pas toujours bon ménage; mais c'est valable aussi dans les Conservatoires).

En tous cas, ces cours sont bien plus conviviaux que dans certaines écoles de musique où le prof se la pète et l'on y retrouve une joie et un plaisir de vivre ensemble.

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Barakiss
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MessagePosté le: 14 Mar 2010 23:12    Sujet du message: Répondre en citant

Marco31 a écrit:
Merci pour ce bel article !

Je précise que François Kokelaere a également préfacé la remarquable méthode de Cyril Piquet : Sega Kan Do (en vente sur l'eBoutik), ou l'apprentissage du tambour djembé selon les leçons du grand maître malien Séga Sidibé.

Smile


Bonjour,

j'ai, comme beaucoup d'autres ici, apprécié l'article de François Kokelaere. Cependant, ne se contredit-il pas un peu, lorsqu'il préface la énième méthode de jembé :
------
"Elle est très accessible, et réalisée avec un vrai souci pédagogique : les rythmes sont d'abord joués en groupe puis disséqués par Séga. Tout est mis en oeuvre afin que le lecteur puisse disposer des nombreux éléments nécessaires à leur compréhension : CD, DVD, partitions, explications fournies, etc... On y trouve même une approche très claire du solfège rythmique pour les néophytes."
------
Les rythmes sont disséqués, horreur ! Ce terme ne revient-il pas justement dans l'article en question. Et aussi "une approche du solfège rythmique". Même écrite par Sega Sidibé, une méthode ayant la prétention d'apprendre le jembé traditionnel africain reste une méthode, bien éloignée de la réalité. Tout, dans l'article de François Kokelaere, suggère la même chose.

Il faut être un peu cohérent, dans sa démarche. Ecrire un (excellent) article sur la problématique du jembé en Occident et aller préfacer une méthode papier dans laquelle "on dissèque" les rythmes africains me laisse un peu rêveur. L'article pointe justement cette manie de l'occidental de tout disséquer, analyser, compartimenter, écrire.

Ce qui ne m'empêche pas d'être entièrement d'accord avec ce qui est dit dans l'article.

Cordialement.
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François Kokelaere
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MessagePosté le: 15 Mar 2010 10:57    Sujet du message: Répondre en citant

Tu as parfaitement raison, mon cher. Grand est le dilemme !

Et pour ne rien te cacher, j’ai même fait partie, Ô sacrilège, d’un jury de CA de musique traditionnelle. Suppot du Ministère de la culture ?

J’ai aussi créé et dirigé pendant sept ans l’Ensemble National des Percussions de Guinée. Comble du néo-colonialisme ?

Il m’arrive même de préfacer une méthode qui ose tenter d’écrire les rythmes du djembéfola malien Séga Sidibé.

J’attendais avec impatience que quelqu’un soulève cette insupportable contradiction. Donc merci de l’avoir fait car je reçois beaucoup de messages privés concernant cet article mais, peu de réactions sur le forum alors que quand on regarde le nombre de connections, il est très lu.

Pour ne rien te cacher, je m’inclus dans ma participation à la grande épicerie, puisque j’en ai fait partie et que, quelque part, je continue d’y participer en préfaçant la méthode de Cyril.

Et pourtant, dans cette contradiction manifeste, il y a un semblant de cohérence… du moins, je l’espère !

Commençons par la méthode.
Cyril est un type sincère, passionné et courageux qui a fait la démarche de venir me voir chez moi, à la campagne alors que son manuscrit était déjà bien avancé. Nous avons beaucoup parlé sur son contenu et sur le rapport qu’il entretient à l’Afrique et à son maître Séga Sidibé et bien sûr, sur tous les problèmes évoqués dans le texte ci-dessus. Manifestement, cette rencontre l’a bougé car il a tout repris depuis le début avec l’éclairage nouveau dont nous avions parlé. Ce qui est la preuve d’un grand courage et d’une grande intelligence car être capable de remettre en question ses convictions profondes le montre bien. Sa méthode, au-delà d’un travail écrit fort intéressant sur les percussions maliennes, s’inscrit dans une démarche personnelle si courageuse, que je ne pouvais faire autrement que de la soutenir. Sa sincérité, le porte sur un chemin qui n’appartient qu’à lui.
Le problème n’est pas en fait d’écrire les rythmes, de les mettre sur le papier, de les collecter mais bien ce qu’on en fait et la manière dont on les transmet. Le problème n’est pas de donner un cours de djembé, le problème est « comment on le donne ».
Qu’est-ce qu’on enseigne ? Des recettes, des plans, à s’échiner les main sur un tambour jusqu’au sang, à ajouter de l’égo à l’égo ?
Est-ce que qu’on apprend à écouter ou à « entendre » ?
Est-ce qu’on apprend à courir ou à respirer ?
Est-ce qu’on apprend la quantité ou la qualité ?
Est-ce qu’on apprend l’agressivité ou le respect de l’autre ?
Est-ce qu’on travail la tension ou la quiétude ?
Est-ce qu’on apprend à jouer ensemble ?
Est-ce que l’on cultive son ego ou est-ce qu’on se met au service du groupe, du son commun, de la pulsation commune ?

Au lieu d’apprendre des milliers de rythmes et d’arrangements complexes qui ne tournent jamais, ne faudrait-il pas commencer par faire tourner UN rythme, UNE pulsation ternaire ? Commencer par le début.

Essayer de ressentir dans tout son métabolisme, dans son corps et dans son esprit le mouvement interne du ternaire avec :
- l’anacrouse et l’appui sur le temps,
- puis l’accentuation « en l’air » (deuxième croche)
- et enfin, la « phase », c'est-à-dire l’appui de la première et de la deuxième croche en ternaire.

Ces trois éléments sont pour moi, les fondements de la pulsation africaine ternaire et même binaire.
La notion de « TERRE » de sol, avec l’appui sur le temps,
de « CIEL » de rebond, d’air, avec le contre-temps
et de « PHASE » avec la première et la deuxième note accentuée

Tous les rythmes participent de ce principe fondamental. Même si les rythmes à trois temps et les rythmes asymétriques sont plus complexes par rapport à ce ressenti.

Donc quelle importance qu’il y ait des diplômes, des méthodes, des DVD, des tee-shirts et des casquettes, nous savons tous que cela n’a jamais formé des MUSICIENS. C’est la même différence qu’il y a entre un gymnaste et un danseur. Les deux ont pourtant une pratique du corps mais pour l’un, la finalité est la compétition et la performance mais pour l’autre, la finalité est le rêve, la poétique du corps. Au même titre qu’il y a des gymnastes du djembé, comme pour tous les instruments d’ailleurs, il y a aussi des poètes. C’est valable dans toutes les disciplines et dans tous les domaines. Bien heureusement d'ailleurs, l'intérêt, c'est la diversité. La pensée unique est d'une telle tristesse...

Quant au Percussions de Guinée, ceux qui ont eu la chance de les voir entre 92 et 95, vous diront peut-être que j’ai toujours cherché, à partir d’un cadre extrêmement défini, celui de la percussion mandingue néo-traditionnelle, à tirer le meilleur parti des arrangements, de la scénographie, des lumières, de l’histoire de la culture guinéenne, de ses ballets nationaux, des contingences du théâtre à l’italienne, de l’attente des producteurs et du public occidental en assumant totalement une direction artistique liée à une vision très personnelle de la chose.
Avec une volonté permanente d'aller vers le haut, de mettre à la disposition du projet le top de chacune des disciplines, en travaillant les moindres détails. Tous ces éléments étant repris plus tard, avec Wofa.

Encore une fois, le cadre importe peu, c’est ce qu’on met à l’intérieur qui compte.
Toute la technique du théâtre à l’italienne, toute son histoire était au service d’un propos artistique dans lequel l’Afrique et plus particulièrement la Guinée, se retrouvait parfaitement. Du moins, à mon avis.
Pour aller dans le sens du texte ci-dessus, en fait tout était fait pour valoriser cette culture guinéenne très contemporaine, pour valoriser « homo africanus » et tant mieux si « homo occidentalus » s’y retrouvait. Tout est une question de concept. Tout dépend comment on se positionne par rapport au mouvement global. Si les choses sont claires dans la tête, il n’y a aucun problème. L’intégrisme, quel qu’il soit, n’a jamais mené nulle part mais l’ouverture doit être inscrite dans un concept fort sinon, c’est la dilution. Le métissage doit être une rencontre qui bonifie les différentes cultures et non un mélange qui les noie. Il doit additionner les plus values de chacune d’elles et non les effacer. C’est l’éternel problème de la rencontre entre les peuples qui se résume le plus souvent en dominant et dominé. Colonisant et colonisé. « Impérialisant » et « impérialisé ». C’est l’éternel problème de la méconnaissance de l’histoire qui est un éternel recommencement.

Donc pour en finir, tout dépend du sens du mouvement.
Est-ce que le sens va en direction de l’Afrique ou en direction de l’Occident ?
De quel côté penche la balance ?
Est-ce que l’Afrique s’y retrouve ou est-ce plutôt l’Occident ?
Y a t il vraiment un gagnant et un perdant ?
N’est-ce pas tout simplement le mouvement perpétuel de l’histoire ?

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