Elo Barbosa
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Posté le: 08 Jan 2007 21:28 Sujet du message: Rita & Armandinho Macêdo | Interview |
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Rita et Armandinho sont soeur et frère. Nés dans la musique dans le Nordeste à Salvador da Bahia, temple des rythmes afro-brésiliens. Dans le sillage tracé par son père, Armandinho, instrumentiste polyvalent et virtuose, ne peut se confondre avec nul autre de par la sonorité et le phrasé de son jeu. A la mandoline ou à la guitare bahianaise, il navigue avec une aisance naturelle et anthropophage sur styles et tempi. Aux influences aussi diverses que le Brésil est pluriel, ses interprétations foisonnent d’improvisations magistrales.
Rita est arrivée à Toulouse en 1986 dans les soutes du Trio Elétrico, le char carnavalesque inventé dans les années 40 par leur père, Osmar Macêdo. Un pas décisif dans la construction du pont France Brésil que sa carrière musicale symbolise aujourd’hui. Accordéoniste chanteuse et compositeur, elle forme avec Françoise Chapuis les Femmouzes T., duo coloré de femmes troubadours qui incarne le jumelage historique et culturel initié par Claude Sicre entre Nordeste brésilien et Sud-Ouest français. Entre innovation et tradition.
Quel événement a précipité vos carrières musicales ?
Rita : Armando ne s’en souvient pas. Il devait avoir huit ans !
Armandinho : On vit avec la musique depuis toujours. Bien que notre père n’était pas un musicien professionnel, il jouait tout le temps. A la maison, il y avait toujours un bandolim, une guitare ténor, une guitare bahiana. Professionnellement, j’ai commencé enfant, sur le Trio Elétrico à 10 ans. A 15 ans j’ai enregistré mon premier disque. Ritinha a commencé jeune aussi, n’est-ce pas Ritinha ?
Rita : A 12 ans. La meilleure école pour moi a été la famille. Mon père et mes frères. J’ai également une formation musicale acquise au conservatoire.
Armandinho : Jeunes, on a assisté à la naissance du Trio Elétrico. Un atelier, au fond de notre jardin. Il est très difficile de dater précisément nos premiers pas en tant que musiciens. C’est venu si naturellement, en jouant sur le Trio, ici et là. Nous sommes nés dedans.
Pourriez-vous revenir sur l’histoire du Trio Elétrico, une invention qui a donné au carnaval Bahiano son identité ?
Rita : C’est plutôt Armando qui connaît l’histoire …
Armandinho : Tu ne la connais pas ? Bien je vais te la raconter ! Il faut d’abord revenir sur l’invention de la guitare bahianaise, que notre père appelait Pau Elétrico (1). En 1942, il jouait de la guitare ou du cavaquinho (2) avec un capteur. Lorsqu’on on augmentait le volume, ce dispositif générait un larsen. Il était très difficile d’amplifier les instruments harmoniques.
Un jour, mon père, en jouant, a décidé de remplir le caisson de l’un de ces instruments de tissu, comme sourdine. Il s’est alors aperçu qu’il était possible d’augmenter le volume sans porter préjudice à la qualité du son. Quand il s’est arrêté de jouer, il a remarqué qu’on n’entendait plus le son du caisson et de là, qu’on n’avait pour ainsi dire plus besoin. Avec Dodô, ils ont mis un clou de chaque côté, et le capteur sous l’instrument. Le son qui en sortait était si rond ! En changeant la position du capteur, on obtenait plus de graves ou plus d’aigus, modulant le son. C’est ainsi qu’ils ont inventé la guitare bahianaise, une première révolution.
En 1945, ils l’ont étrennée au Tabarisque, une maison traditionnelle de la place Castro Alves à Salvador. C’était de la folie, un grand carnaval ! Personne n’avait jamais entendu un instrument dégageant un tel volume. Il y a avait aussi déjà de la distorsion
À partir de ce moment là, Dodô et Osmar, simples amateurs, ont commencé à jouer dans toutes les fêtes de la ville. La foule affluait, de tous les quartiers. Partout où ils jouaient, c’était un énorme succès. Et c’est ainsi qu’ils ont commencé à jouer dans tout l’état de Bahia, sur l’île de Itaparica. Dodô était expert en électronique, il réparait des radios. Il a eu l’idée de relier ce dispositif à la batterie de sa voiture. Ils allaient donc se produire dans des endroits où il n’y avait pas d’électricité et branchait le tout sur la voiture, en particulier sur l’île de Itaparica, dont je viens de parler. Tout ceci a eu lieu bien avant l’invention du Trio Elétrico. Ils partaient comme ça pour jouer dans la rue, comme ça avec leur petite voiture.
Vingt jours avant le carnaval de 1950, ils se produisaient dans les rues de Salvador. Etait programmé également ce jour-là un orchestre de frevo, Vassourinhas, de Recife. La mairie a demandé à mon père et à Dodô de se joindre à eux. Osmar et Dodô les ont accompagné, ils adoraient le frevo, mais ils ne savaient pas que les gens allaient perdre la tête en entendant ce rythme. Quant l’orchestre a joué l’hymne du Pernambuco avec eux, c’est une véritable explosion de rythmes qui a soulevé la foule.
C’est ainsi qu’ils ont décidé de participer au carnaval avec leur petite voiture dans la ville, en jouant du frevo. Ils ont donc longuement préparé la voiture, à l’époque, on n’avait pas besoin de demander l’autorisation à la mairie. Il y avait un défilé de chars allégoriques, un défilé officiel. Ils ont décidé de prendre un itinéraire différent, en sorte ce que les deux défilés se rencontrent et se rejoignent. Dans le défilé officiel, il y avait des chevaliers qui annonçaient le carnaval avec des clairons. Quant les défilés se sont rejoints, Dodô et Osmar ont du baisser le son, se demandant que faire. Ils ont finalement repris de plus belle avec les Vassourinhas. La foule qui les suivait s’est enflammée. Les chevaux du défilé officiel ont pris peur, il y a eu des problèmes, on leur a demandé d’arrêter, on a appelé la Police, car ils avaient provoqué une grande hystérie. La Police était sur le point de les embarquer, mais, sur protestation de la foule, a du du les relâcher, leur demandant littéralementde prendre leur voiture pourrie et de l’emmener de l’autre côté de la ville. Ce qu'ils ont fait, emmenant avec eux la foule, et, arrivés au coin de la rue, ils ont de nouveau branché le son. Et c’est ainsi qu’est né le Trio Elétrico. Mais à l’époque, le nom était Dupla Elétrica (littéralement, duo électrique), il s’agissait de Dodô et Osmar. C’était le nom du groupe, et non de la voiture, car pour eux, une voiture, c’était…une voiture !
L’année suivante, ils ont invité quelqu’un d’autre à participer : Demi. Un instrument de plus, et c’est là qu’ils sont devenus le Trio Elétrico. La troisième année, ils ont eu un sponsor, et un camion. Les années suivantes, ils ont décidé de céder le dispositif. Dès la troisième année, la troisième personne est partie, ils sont redevenus « Duo Elétrico », mais ont finalement conservé le nom de Trio Elétrico Dodô e Osmar. Vingt-cinq ans après, je suis venu compléter le groupe.
C’est ainsi que sont nés le Trio Elétrico et le Pau Elétrico, qu’on a baptisé par la suite guitare bahiana. Au début, elle n’avait que 4 cordes, j’en ai rajouté une de par mes tendances rock. Et c’est comme ça qu’on perpétue cette tradition.
Dans les années 70, quand on a commencé à enregistrer les compos du Trio, on a invité Morais Moreira au chant. Il chantait une, voire deux chansons pendant la nuit. Les gens ont apprécié ce changement. C’est là qu’on a mis des chanteurs de façon permanente et le Trio n’était plus instrumental. Pour moi, ce fut horrible. J’étais le joueur de guitare bahiana du Trio Elétrico et cela m’a mis au second plan. Le chanteur est celui qui déchaîne les foules aujourd’hui.
Le Trio Elétrico est déjà venu en France, et notamment à Toulouse, il y a 20 ans. Vous pouvez m’en dire plus ?
Rita : Cette histoire, c’est moi qui vais la raconter. Il y a 20 ans, le Comité d’Organisation du Carnaval Universitaire Toulousain voulait organiser un grand carnaval brésilien. Et comme toujours, on a alors choisi les écoles de samba. Claude Sicre, qui avait une vision plus large de la situation, ne voulait pas amener quelque chose d’exotique, que tout le monde connaissait déjà en France. Il voulait amener le Trio Elétrico de Bahia. Et c’est comme ça que les pionniers du Trio sont venus, il y a 20 ans. Ce fut le plus grand carnaval que la France a connu. Il y avait 100 000 personnes dans les rues de Toulouse. Le succès a été si grand qu’ils sont revenus pour la Fête de la Musique en 1986. Ils m’ont alors prise dans leurs bagages et ils m’ont laissée ici. Ils ont également laissé le Trio Elétrico, ce camion qui est encore à Toulouse. Dès que l’équipe du Stade est de sortie, on prend le camion. Claude Nougaro a déjà chanté dessus, Bernard Lubat aussi… Une vie a été donné à ce camion, à ce Trio Elétrico, dont tout le monde se demande d’où il vient, d’où il sort. C’est ici l’opportunité de revenir sur son histoire, de dire qu’il y a 20 ans il y a eu ce carnaval bahiano avec plus de 100 000 personnes dans les rues de Toulouse. Notre histoire !
© Elodie Barbosa Boëne - 2005/2007 / Photo : © Karine Ricalens
Remerciements particuliers à Karine Ricalens.
(1) Pau Elétrico : « Bâton Electrique », premier nom donné à la guitare bahianaise.
(2) Cavaquinho : petite guitare brésilienne à quatre cordes d'origine portuguaise.
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Description : Trio Elétrico © Armandinho.com
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Description : Rita et Armandinho © Karine Ricalens
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