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[Jimmy Braun]

Le trio thérapeutique

« Le doudouk a changé ma vie » Didier Malherbe.

Hadouk, mot valise composé de Hajouj ou gumbri, qui est une basse africaine, et de Doudouk, un hautbois arménien, est à l’image des ses créateurs. Hadouk Trio – groupe de musiciens voyageurs – est composé d’artistes phares de l’âge d’or des musiques du monde. De la chanson française, au jazz, ou de la musique Gnaoua au rock, les trois globe-trotters sont les géniteurs d’un style unique, proche d’une « transe organique ». Attirant un public éclectique, Hadouk Trio est une bande de joyeux bonhommes qui ne se prennent pas la tête. Sur scène comme dans la vie, ils sont passionnés et éperdument cocasses. Bien que le spectacle soit un moment particulier, où la scénographie, la musicalité et la concentration sont le leitmotiv, leur musique est emplie d’espoir, d’harmonie et d’une respiration intensément profonde. Depuis une dizaine d’années, ils travaillent sur une musique faite d’une grande finesse, avec l’émotion permanente d’un voyage immobile. Après plusieurs scènes depuis l’année 2004, à l’occasion de la sortie de leur quatrième album - « Hadouk Live à FIP » et de leur DVD "Live au Satellit Café" (Rykodisc 2004) - découvrons une miette du nuage de ces assoiffés du groove.



Comment vous êtes-vous rencontré ?

Didier Malherbe : J’ai rencontré Steve lors d’un bœuf auquel il a participé en 1971, à la faculté de Jussieu avec le groupe Gong (Daevid Allen, Pierre Moerlen, ...). Et une deuxième fois un peu plus tard lors d’une nuite passée à jammer avec Jacques Higelin dans un club parisien. Concernant Loy, la rencontre s’est faite au tout début des années soixante-dix avec Gong aussi.

Loy Erlich : Oui, les différentes rencontres étaient un signe …


Le projet Hadouk a démarré en trio ?

Didier Malherbe : Non, au départ il y avait juste Loy et moi. Steve a joué avec nous pour une occasion et le trio est venu naturellement par la suite. Nous adorons les percussions depuis longtemps et il convenait parfaitement.


S’il fallait définir votre groupe à un non-initié, vous lui diriez quoi ?

Didier Malherbe : C’est assez difficile de définir ça … C’est un peu mettre des étiquettes, à la rigueur c’est du marketing. Mais en gros nous sommes dans les bacs de « jazz », mais nous jouons ce que nous aimons, sans étiquette. Certains musiciens de jazz conquièrent un public par une avalanche de notes et une technique énorme, nous notre musique est plus simple. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travail derrière notre musique. Simplement, nous ne cherchons pas la complexité, ce n’est pas notre trip, nous sommes plutôt des minimalistes avec une recherche permanente de groove.

Loy Erlich : Non, surtout pas d’étiquette, on ne cherche pas ça ! …

Steve Shehan : Mais évidemment notre inspiration vient des saveurs de la musique dite « World » ou du « jazz », et on écoute les techniques et les instrumentations qui nous entourent. Tout ça sans se dire que l’on fait du jazz mais bien notre propre musique.


Votre instrumentarium est assez conséquent sur scène et ça ne doit pas être simple à gérer en tournée ?

Didier Malherbe : Oui bien entendu, c’est très délicat. Au point de vue de l’accordage, la température et l’hygrométrie influencent assez certains paramètres. Et les instruments que nous jouons, comme le doudouk, le hajouj, la kora ou les tambours à peau peuvent demander une attention particulière.


Vous parlez beaucoup de shamanisme dans votre musique, et l’un de vos disques s’intitule d’ailleurs « Shamanimal ». Elle vous vient d’où cette passion ?

Steve Shehan : Effectivement on peut dire que nous sommes tous les trois passionnés bien que cet enthousiasme soit venu après des voyages différents. Mais on se rend compte que c’est une même passion que la musique, tout se rejoint.

Loy Erlich : En ce qui me concerne je tiens à mettre un bémol. On ne se prend pas pour des chamans ! C’est juste une inspiration et rien d’autre.

Didier Malherbe : Oui, c’est ça, on ne se prend surtout pas pour des chamans, même si le côté transe est présent dans notre musique. « Shamanimal » c’est assez rigolo comme nom d’album. C’est un peu comme Marsupilami, ça un côté drôle et c’est surtout ça que nous voulions communiquer. Ceci dit il y avait un morceau de « Shamanimal », ce qui n’est pas noté sur le livret, qui est construit sur une boucle de didjeridoo. C’est un instrument assez particulier, et le côté un peu incantatoire ou hypnotique de la boucle nous a donné l’idée d’intituler l’album « Shamanimal ». On joue parfois des compositions assez envoûtantes mais l’ensemble reste assez basé sur l’enthousiasme, avec des choses plutôt marrantes. Et puis j’écris aussi des poèmes, c’est donc tout un ensemble. A mon avis la musique est en général assez envoûtante, et dès que tu es sur scène c’est vrai que tu tentes quelque part de rentrer dans le subconscient des gens. On ne peut pas nier la relation avec quelque chose de spirituel vu que l’on cherche à faire du bien aux gens.

Loy Erlich : Dans le chamanisme tu as deux choses, un rite et une technique, que nous ne connaissons absolument pas et la deuxième chose c’est une thérapie. Alors dans ce sens on peut effectivement dire que notre musique est une thérapie. Mais pas seulement notre musique ! Tu peux dire aussi que Khaled ou Bach font du bien aux gens ! En vrai toutes les formes de musiques peuvent apporter ça.


Quelle place prend le rythme au sein de vos compositions ?

Steve Shehan : C’est très important comme pour beaucoup de choses dans la vie, On gère l’espace et la dynamique en permanence. C’est un élément qui ne quitte pas notre esprit, même si parfois on joue une sorte d’alap, ou une composition jouée rubato.

Loy Erlich : C’est une sorte de rythme intérieur et depuis le temps que l’on joue ensemble on arrive à ressentir l’autre différemment, à anticiper les choses, il y a une cohérence évidente.


Steve est-ce que l’on peut dire que ton approche de la percussion est sensitive et émotive ?

Steve Shehan : Oui, complètement ! Même s’il y a la discipline, la technique, et un travail régulier à ne pas négliger. Grâce à la technique je peux maîtriser ce que je fais et ce que je veux exprimer. Pour avoir la liberté il n’y a pas de mystère.


Quels sont les percussionnistes qui t ‘ont le plus marqué ?

Steve Shehan : Airto Moreira m’a impressionné, il y a aussi Bill Summers un très grand batteur, Kenneth Nash qui est moins connu en Europe et puis des percussionnistes indiens comme Trilok Gurtu, Zakir Hussain. Et des percussionnistes indonésiens aussi, mais il y en a tellement dont on ne parle presque pas et qui ont marqué la musique pour percussion. Mis à part ça, mes héros pour la musique et la composition ce sont plutôt des gens comme Ravel ou Stravinsky. J’adore les grands compositeurs classiques et les ballets. Lorsque j’entends certaines pièces de Bartok je m’envole ….


Enfin, est-ce que vous avez des projets de musiques de film, de pièce de théâtre ou de reportage ? Car dans votre musique on ressent un aspect presque filmographique avec des ambiances très expressives. Par exemple comme les crépitements des fagots de Steve qui donnent l’illusion d’entendre un feu.

Steve Shehan : On aimerait bien ! …

Loy Erlich : Pour l’instant nous n’avons rien fait mais c’est vrai que c’est un truc qui nous plairait bien.

Didier Malherbe : Oui nous aimerions franchement pouvoir créer une musique de film ou de reportage. Bien que nos musiques soient parfois utilisées pour des émissions comme Thalassa, nous n’avons encore pas eu de proposition de ce style.


© Jimmy Braun – Novembre 2004


- Interview réalisée le 22 octobre 2004, dans le cadre du Festival Nancy Jazz Pulsations 2004 (Espace Georges Sadoul, Saint-Dié-des-Vosges), avec l'aimable autorisation de Hadouk Trio.

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Biographie des artistes

Didier MALHERBE mi-jazzman, mi-charmeur de serpent, le saxophoniste flûtiste du GONG poursuit sa croisade musicale éclairée là où l'improvisation le mène, en franc tireur de la musique au gré des rencontres. Pas de gourou, pas de normes ni d'étiquettes. Sir Malherbe est né sous le signe de l'éclectisme et de la polyvalence, ascendant "Généreux". Autour du Rock (Steve Hillage, Higelin, Brigitte Fontaine) et du Jazz ( Robert Wyatt, Alan Holdsworth, Pierre Bensusan ), des "puja" des saddhous de Bénarès aux nuits de transe des Gnaouas d'Essaouira, il s'est forgé une personnalité rare, un son particulier, qui est plus que jamais apprécié sur la scène musicale internationale

Loy EHRLICH un autre de ces "braqueurs émérites du son global "Vieux complice de Malherbe il manie avec autant d'aisance le clavier d'un synthé que le hajouj marocain ou la kora. Pionnier de l'ère jazz-rock, rôdé auprès de Peter Gabriel ou Jon Hassel, il fut également pendant longtemps l'accompagnateur attitré de monstres sacrés de la scène "World " tels que Youssou N'Dour, Toure Kunda, Geoffrey Oryema et Wasis Diop (invité sur Shamanimal). Un des premiers également à s'initier à l'univers mystique des Gnaouas. On le retrouve ici dans un registre qui lui colle parfaitement à la peau, avec ce son aérien et cette faculté rare de guider aussi bien que de seconder l'autre.

Steve SHEHAN c'est la pulsation des mondes que Steve Shehan met en musique. Depuis près de 20 ans, le plus "frenchy" des percussionnistes américains fait parler ses fûts, peaux, cloches et baguettes sur toutes les scènes du monde, à l'aise aussi bien avec Brian Eno que Mc Laughlin, Vangelis, Herbie Hancock ou Paul Simon. Rythmicien hors pair, ayant derrière lui plusieurs dizaines d'enregistrements en sideman ou leader, Steve a eu l'ingénieuse idée de rejoindre depuis peu le tandem Malherbe-Ehrlich . . . pour le plus grand bonheur de tous !

Site web | http://www.didiermalherbe.com | http://www.steveshehan.com |