Édito Annuaire Archives Calendrier Contact Boutique Musique  
Percussions.org Index du Forum  Connexion  S'enregistrer  FAQ  Rechercher  
Percussions.org
Le forum de toutes les Percussions !
 
Bon voyage monsieur Alex

 
Poster un nouveau sujet   R�pondre au sujet    Percussions.org Index du Forum -> ۞ Articles ۞
Voir le sujet pr�c�dent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Fran�ois Kokelaere
Membre ayant post� plus de 200 messages


Inscrit le: 24 May 2002
Messages: 270
Localisation: France

MessagePost� le: 12 Oct 2001 22:40    Sujet du message: Bon voyage monsieur Alex R�pondre en citant

A propos de � Percussions du Burkina Faso � par Alexandre Cellier
Paru aux Editions Nouvelle Plan�te (Suisse) en 1999.

A la lecture de ce petit fascicule, je ne peux m'emp�cher d'�tre � la fois �mu de tant de compassion, d'amour de son prochain, de gentillesse et atterr� par tant de na�vet� bien pensante. Ce genre d'ouvrage me laisse perplexe car au fur et � mesure qu'on le d�code, qu'on lit entre les lignes, qu'on le resitue dans son contexte, il appara�t comme un go�t de d�j� vu et de d�j� lu.

D�codons et pour cela, rien de tel que de commencer par la fin, par la conclusion. Ah, ces conclusions ! Pourquoi faut-il toujours des conclusions qui viennent foutre par terre nos illusions. Pourquoi les id�alistes bon teint ne se contentent-ils pas de nous narrer leur voyage sans nous livrer leurs �tats d'�mes, sans se prendre pour des ethnomusicologues de supermarch� ou des � ethnosociologues � de comptoir? On s'est dit en parcourant l'ouvrage en question : bon, il est un peu approximatif mais il est sympa ce gars. Il les aime ses africains, il participe au grand �change mondial des cultures. Bon, il est un peu caricatural dans le pass�isme, dans sa vision de �l'authentique� mais les photos sont belles. Il n'est pas m�chant mais ils ne sont jamais m�chants. Il est sinc�re: ils sont toujours sinc�res. Ils tombent des nues, ils sont m�me bless�s, les pauvres petits enfants du grand Capital, quand on ose leur dire qu'il participe, malgr� eux, au formidable malentendu de notre relation � l'Afrique. Alors ils se retranchent derri�re leur na�vet� et leur humanisme. Facile...

Bien s�r que la Suisse est �l'un des pays les plus riches du monde et le Burkina, l'un des plus pauvres� mais que faisons-nous des pauvres ... Suisses qui eux aussi n'attendent qu'une chose: que l'on s'int�resse � eux. Mais c'est pas tr�s exotique un pauvre ... Suisse. Comme si la diff�rence entre ces deux pays n'�taient qu'un probl�me de richesse ? Et l'histoire, mon cher ? Si je comprends son raisonnement, c'est nous les � pauvres sous d�velopp�s de la communication, de la famille, de la solidarit� � et les pauvres petits africains sont en fait tr�s riches de nos propres lacunes. Tu parles, ce qu'ils veulent nos copains africains, c'est manger tous les jours et pas qu'on leur donne des le�ons sur � la richesse de leur culture �. Mais pas � d'histoires d'argent � entre nous, en bon franciscain de base ce qu'il veut, c'est une relation humaine et pourquoi pas, spirituelle. D�s que le gars retournera en Suisse retrouver sa fl�te de Pan (il pose en quatri�me de couverture avec une fl�te de Pan � la bouche, si, si...), il bouffera � sa faim et les africains resteront dans leur pr�carit� quotidienne. Il s'empressera de capitaliser son voyage sous quelque forme que ce soit: financi�re, valorisation personnelle, etc. Facile d'avoir des vues sur la com�te quand on est n� du bon c�t�...

�Que pouvons-nous faire pour eux?� �Quand on veut les aider... on cr�e des assist�s�. Eh bien mon gars, si c'est �a ton probl�me, faut pas les aider, faut travailler avec eux tout simplement. Qu'ils gagnent de l'argent et puissent en faire profiter leur famille, leurs amis... �videmment que rien n'est plus avilissant que l'assistanat. Mais nous nous y retrouvons encore et toujours dans cet assistanat qui nous permet d'exister, de trouver une raison de vivre, de r�aliser un palliatif � la m�diocrit� de nos vies occidentales, de soulager notre dette �karmique� envers ce peuple. Quel est le choix ? Vivre dans la mis�re loin du monde ou bouffer � sa faim dans la mondialisation. Eh oui, pas facile le choix! Ou on les laisse dans leur �authenticit� et l'Afrique cr�ve de son immobilisme ou on l'accompagne dans le grand cirque mondial qui de toutes fa�ons, ne nous a pas attendu pour d�ferler sur elle depuis d�j� longtemps. A vouloir arr�ter le temps en Afrique, on risque de l'enfermer dans une vitrine dont nous nous empressons de jeter les clefs au risque de devenir voyeur. Il y a un c�t� "safari moderne" dans cette propension qu'ont les blancs � utiliser l'Afrique comme leur terrain de jeu, un c�t� �Paris-Dakar�. N'est ce pas une forme encore plus pernicieuse de n�o-colonialisme ? Pourquoi les africains n'aurait-il pas droit au progr�s technologique, � la modernisation, � l'instruction ? Il est vrai que nous pr�f�rons les voir �authentiques�, dans leur mis�re, pauvres, affam�s, analphab�tes mais dignes. Refusant le grand capitalisme triomphant pour c�l�brer des vraies valeurs � authentiquement traditionnelles ancestrales �. Ce que nous sommes parfaitement incapables d'assumer nous-m�mes. Combien d'occidentaux ont-ils laiss� le douillet confort europ�en de leurs cours de percussion pour aller s'installer d�finitivement dans cette Afrique mythique qu'ils id�alisent ?

Combien d'occidentaux ont-ils laiss� le confort de la ville pour aller vivre sans eau, sans �lectricit�, sans voiture, sans t�l�phone, au fin fond des montagnes, m�mes Suisses ?

�Vivre pauvre dans la libert� plut�t que riche dans l'esclavage� comme disait un autre grand id�aliste qui a men� son pays � la ruine. Ne serait-il pas temps de chercher d'autres alternatives loin des clich�s �cul�s de l'histoire ? Ne sommes-nous pas en train de continuer � l'�crire, avec la plus parfaite na�vet� bien s�r, cette m�me histoire qui n'en finit pas de b�gayer ?

Pourquoi derri�re les sauveurs de l'Afrique se cache-t-il toujours des nantis coupables des actes de nos anc�tres (et quand je dis anc�tre, j'inclue la grande culpabilit� jud�o-chr�tienne)? A force de tra�ner le lourd fardeau de leur histoire, les enfants du grand Capital n'en finissent plus de se sentir coupables (lire �le long sanglot de l'homme blanc� de Pascal Bruckner).

Quand au �complexe d'inf�riorit� des villageois qui sous-estiment leur culture�, mon cher, nul n'est proph�te en son pays et c'est un probl�me universel. �videmment qu'une �revalorisation d'une culture� a des effets pervers mais la mort d'une culture est encore pire. Au moins dans la perversit� de la revalorisation il y a un espoir que les choses vivent et
renaissent mais dans l'extinction, o� est l'espoir ?

Avec sa bouille de doux g�ant r�veur et romantique, le bel Alexandre et sa fl�te de Pan me fait penser � Tintin au Congo qui pose avec les bons sauvages. Instructif certes mais tr�s approximatif, avec plein d'avis sur tout et sur rien, avec plein d'humilit� et tellement de cette suffisance inconsciente que savent arborer les occidentaux quand ils parlent de l'Afrique, avec l'insolente compassion d�concertante des privil�gi�s, avec des vell�it�s insupportables de p�dagogie, de pros�lytisme, de celui qui veut nous faire � tout prix partager ses �motions, ses impressions de voyage. Comme les missionnaires d'un autre �ge voulaient �vang�liser les bons sauvages pour les sauver des flammes �ternelles de l'enfer. L'histoire est d�cid�ment un �ternel recommencement.

Cet ouvrage ne nous apprend rien des rapports complexes que nous entretenons avec l'Afrique. Bien au contraire, il nous enferme encore un peu plus dans nos certitudes et dans notre vision caricaturale de celle-ci. (ils sont cools ces burkinab�, en Guin�e ont aurait bouff� le petit blanc et sa charmante compagne � la sauce feuille).

Il n'en reste pas moins un superbe reportage photo et un panorama assez complet des instruments pratiqu�s au Burkina. Souvent les commentaires sont de trop, r�ducteurs et incomplets mais bon, c'est la limite du dilettantisme.

Le CD est sympa lui aussi, a l'image du bonhomme, (si, si, il est sympa le p�re Alex, un peu sur une autre plan�te mais sympa!). Ca se barre dans tous les sens mais bon... Il faut le prendre comme une illustration sonore du texte et bien �couter les pi�ces quand elles sont annonc�es sur le livret.

Il est plein de petits moments sympas, chaleureux, quelquefois tr�s faciles mais bon... C'est dans ce registre qu'il est le meilleur. Quand il est lui-m�me: un amoureux du Burkina et de sa culture. (qu'est-ce qu'on s'est marr� avec Fatouabou dans l'avion entre San Jos� et Dallas, quand nous avons �cout� les fr�res Coulibaly chanter dans leur faux Soussou �� b�bi o� � la fin du morceau n�5, un morceau de Fod� Marseille Youla paru dans les ann�es 70 avec son groupe �Africa Djol��). Ils sont malins les lascars. Et puis dis-donc, qu'est-ce qu'il se pame sur les fr�res Coulibaly le p�re Alex, ils ont d� le marabouter. Je ne sais pas s'il a vraiment les yeux en face des trous et j'ai l'impression que l'affectif et l'�motionnel prennent souvent le pas sur son objectivit�. C'est d'ailleurs le probl�me de cet ouvrage: le manque g�n�ral de rigueur. Mais ce n'est qu'un carnet de voyage et il faut le prendre comme �a, n'est-ce pas...

Autre surprise quand nous avons entendu un extrait du volume deux des Percussions de Guin�e (la pi�ce de kryin n�22). Je n'ai jamais entendu dire que le sieur Alex ait demand� une quelconque autorisation d'utiliser ce morceau. Ouais, bon, c'est pas grave, c'est vrai que chez les babas-cools tout appartient � tout le monde et pourquoi s'embarrasser d'avoir le minimum de respect et de politesse pour le travail des autres. Il �tait pas tr�s content le p�re Fatouabou et il a m�me dit (ah, ces professionnels!) que cette fa�on de faire lui semblait quelque peu cavali�re.

Reste la question subsidiaire qui sauverait notre aventurier sur la ligne. Nous esp�rons que toutes les royaut�s de cet ouvrage sont int�gralement vers�es aux africains, m�me les frais occasionn�s par le voyage. Nous n'oserions imaginer que le flutiste se soit rembours� sur le dos des africains qui lui ont �tellement appris�, qui l'ont �tellement enrichi� humainement, au risque de se voir taxer de participer d'encore plus pr�s, � la formidable hypocrisie latente des enfants du grand capital ?

Bon voyage Monsieur Alex, bien le bonjour � Milou...

Fran�ois Kokelaere
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message priv� Envoyer un email  
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   R�pondre au sujet    Percussions.org Index du Forum -> ۞ Articles ۞ Toutes les heures sont au format CET (Europe)
Page 1 sur 1

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas r�pondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas �diter vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum
Vous ne pouvez pas joindre de fichier dans ce forum
Vous pouvez t�l�charger des fichiers dans ce forum