François Kokelaere
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Posté le: 15 Nov 2010 12:11 Sujet du message: Wofa : les départs continuent… |
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Après Morciré Camara, parti récemment rejoindre les siens au panthéon des artistes guinéens, c’est au tour de « Bangoura », Naby Bangoura, de disparaître. Autant d’artistes, autant d’hommes qui partent à la fleur de l’âge, de maladies mal soignées ou mal diagnostiquées comme Kalé et Gbemgbédi, autres artistes de Wofa. C’est ainsi que l’on peut se rendre compte que les conditions de vie sanitaires de l’homme africain n’ont rien à voir avec celles de l’européen. Combien sont partis après un traitement approximatif, un diagnostic fantaisiste ou l’impossibilité d’un traitement cohérent ?
Morciré Camara, percussionniste de renom des orchestres nationaux, qui s’illustra au sein de Bala et ses Baladins fut un de ces fameux directeur de troupe de quartier qui continuent encore aujourd’hui à former les artistes de demain dans les grandes villes guinéennes. Quand Wofa coupa le cordon ombilical et pris son envol, Bangoura fut un des piliers fondateurs de la nouvelle épopée. Le texte promotionnel qui suit, daté de l’année 2000, bien qu’il soit légitimement flatteur comme tout texte destiné à la promotion d’un groupe, évoque assez bien l’aventure artistique et humaine vécue par ces artistes qui jouèrent avec brio sur les scènes du monde entier avec un professionnalisme et un comportement qui déroutaient souvent les spécialistes de la scène africaine. Pour les fondus de Basse-Côte de Guinée vous pouvez trouver sur le net trois CD : « Wassa de Morciré Camara » « Wofa » volume I, et surtout le très réussi « Iyo », le tout sur le Label Buda Musique.
© François Kokelaere - Novembre 2010
“WOFA!”: un précédent en Afrique de l’Ouest
En 1988, lors du Ier Concours National de Percussions en Guinée, le premier prix du jury fut donné à l’unanimité au groupe de Morciré Camara “Tempo Rythmique” qui devint rapidement “Wassa” avec lequel cinq des artistes de WOFA! (Naby Bangoura, Naby Kalé Camara, Alhusseiny Solo Chérif, Aboubacar Bakary Kouyaté et Sékouba Gbemgbédi Bangoura) réalisèrent plusieurs tournées internationales qui les conduisit en Europe, en Asie du Sud-Est et en Australie.
En 1993, ces artistes décidèrent de continuer seuls leur expérience artistique en formant leur propre groupe WOFA! (ce qui veut dire en langue Soso “venez”). Ces artistes bientôt rejoints par deux de leurs amis puis par trois danseuses, appartiennent à l’ethnie Soussou, l’une des plus libérales d’Afrique de l’Ouest, non castée, qui vit sur la côte de Guinée bordée par l’Océan Atlantique.
Après avoir était sélectionné parmi plus d’un millier de troupes auditionnées dans toute l’Afrique par le Marché des Arts et de la Scène Africaine d’Abidjan (M.A.S.A.) en Mai 95, WOFA! fut particulièrement remarqué par les professionnels du spectacle pour l’originalité et la rigueur de sa prestation inspiré des danses, des rythmes et des musique de la Basse-Côte de Guinée mais re-visités d’une façon résolument moderne et accessible à tous les publics, sans pour autant dénaturer leur culture spécifique. Pari difficile s’il en est!
Au M.A.S.A. d’Abidjan, Bernard Schmidt, un producteur français installé à New York depuis de nombreuses années, remarque le groupe. Après une tournée d’essai aux USA, le groupe décolle. Les tournée s’enchaînent les unes après les autres: USA, Canada, Singapour, Hong Kong, l’Europe. En 2001, le groupe explose sur la scène internationale. WOFA! n’est plus la troupe prometteuse de ses débuts, elle devient le groupe qui monte. Ce que l’on supputait en 95, cinq ans après, est devenu une réalité: elle est devenue une valeur sûre, une des compagnies africaines, installée en Afrique, qui travaille le plus. La troupe guinéenne qui rassemble le plus de spectateurs à travers le monde.
- L’environnement culturel très particulier de la Guinée
Il faut bien considérer que la Guinée est le seul pays d’Afrique à posséder plus de quarante ans d’histoire du ballet. Tous les grands ballets nationaux d’Afrique de l’Ouest se sont inspirés des fameux ballets guinéens (Ballets Africains, Ballet Djoliba). Vingt six ans de marxisme (Sékou Touré 1958-1984) n’ont fait que renforcer cette véritable culture très spécifique à la Guinée. Les grands créateurs et concepteurs des années 70 avaient une vision panafricaine de leur art qui prônait la rencontre et le pluri-ethnisme. Cette vision issue du mouvement de la “négritude” a généré des artistes sûrs de leur identité et qui n’ont aucun problème à s’adapter aux techniques spécifiques du “théâtre à l’italienne”.
Il s’agit là d’un véritable “art contemporain africain” qui n’a de rapport avec la tradition ancestrale que son inspiration. Les artistes, qui sont en permanence immergés dans le milieu traditionnel auquel ils participent quotidiennement en jouant dans les cérémonies populaires ou rituelles, passent de l’un à l’autre sans état d’âme particulier. Ils vivent leurs prestations scéniques comme un des éléments de leur situation de musicien professionnel dont la vie s’argumente autour des répétitions du groupe, des “sabars” (fêtes populaires), des cérémonies rituelles et des spectacles de la troupe au pays ou en tournées internationales.
Les artistes de WOFA! ont baigné, d’une part, dans cet héritage artistique considérable et d’autre part, dans la culture traditionnelle encore très présente en Basse-Côte.
Peut-être faut-il chercher dans cet environnement culturel très particulier, le fait que les artistes guinéens se font remarquer à travers le monde par leur démarche artistique originale et cohérente, qui tente de lier, sans rupture, le passé et le présent dans une Afrique contemporaine en pleine mutation?
- La démarche artistique: un véritable concept
La démarche artistique de WOFA! repose sur quelques principes simples qui ne peuvent être dissociés du mode de fonctionnement du groupe. Il faut bien considérer que la musique qu’il pratique ne peut fonctionner, à ce niveau de qualité, que si les musiciens “s’entendent” bien; au sens propre comme au sens figuré. La respiration très particulière des polyrythmies guinéennes est fragile et la moindre tension entre les artistes se ressent immédiatement dans la musique. La matière principale reste les rythmes traditionnels mais repensés, ré-arrangés d’une façon plus contemporaine avec l’apport de nuances de jeu que ne nécessite pas le jeu traditionnel. La scénographie vient souligner des déplacements, des mouvements, des attitudes, des volumes qui existent déjà naturellement. La lumière met en ombres, insinue, montre sans dévoiler, une plastique qui se suffit à elle-même. Une esthétique “africaine” dans l’esprit, qui tend à valoriser l’essentiel de sa spécificité.
WOFA! veut échapper aux poncifs exotiques du genre, contourner les images caricaturales et réductrices associées à la danse et à la percussion africaine, sans pour autant dénaturer son contenu ou gommer sa force, sa finesse liée à l’élégance de sa gestuelle et tout en gardant ses aspects les plus spectaculaires. L’énergie que demande le jeu des percussions n’étant pas incompatible avec des respirations et des moments de calme, de mélodies, de chants afin aussi que le spectateur occidental, peu habitué à cette culture, ne suffoque pas devant une pléthore d’informations.
La danse apparaît naturellement comme un prolongement évident de la gestuelle des musiciens. Le spectacle devient alors une véritable entité où mouvement, danse, musique, théâtre, humour, mise en scène, scénographie, chorégraphie, lumières, s’imbriquent sans que l’on puisse en distinguer la frontière.
Il a fallu une dizaine d’années afin que cette rencontre originale au carrefour de plusieurs parcours, de plusieurs histoires artistiques, de plusieurs aventures humaines, se formalise en un véritable concept artistique qui reste en perpétuelle mutation.
- La rencontre
La rencontre avec leur directeur artistique François Kokelaere (musicien professionnel fondateur de “l’Ensemble National des Percussions de Guinée”, du groupe “Wassa-Morciré Camara”, date de 1988, lorsqu’ils se firent remarquer au Premier Concours National de Percussions en Guinée.
L’écriture scénographique de François s’est affinée au fil du temps pour devenir un concept minimaliste qui valorise la plastique naturelle des artistes sans atténuer leur identité profonde. Cette idée donne des spectacles d’une grande force où le spectateur peut laisser libre court à son imaginaire, à son imagination, au rêve; des spectacles où l’on suggère plutôt que de dire... Des spectacles qui respirent, qui racontent une histoire sans histoire faite de chants, de danses et de musiques.
Depuis quelques années (97), Aboubacar Fatouabou Camara a rejoint le groupe. Après avoir joué pendant plus de dix ans au sein du Ballet National Djoliba et pendant huit ans avec l’Ensemble National des Percussions de Guinée, il apporte à WOFA! toute sont expérience de la scène et sa grande connaissance des polyrythmies de la Basse Côte de Guinée. Depuis plus de dix ans, Abou a travaillé en binôme avec François sur de nombreux projets (les Junior, Momo Wandel Soumah, Biennale de Percussions, etc...) et son arrivée dans le groupe a donné une dimension nouvelle au spectacle. Fatouabou est l’un des batteurs Soussou les plus respectés en Guinée et un des tous premiers batteurs au monde, toutes ethnies confondues.
- Une structure autonome et privée
La progression des artistes est constante et leur degré de motivation, leur professionnalisme, n’a cessé de s’améliorer. Il s’agit en fait, d’une véritable dynamique de groupe où chacun progresse à son rythme et où chacun doit trouver par lui-même les solutions pour régler les problèmes incessants de l’environnement social et familial africain.
WOFA! est une structure entièrement privé, en autogestion et qui fonctionne comme un véritable projet à la fois artistique mais aussi humain. Responsables de leur propre travail, sans pression administrative, les artistes peuvent se concentrer sur la pratique de leur art avec une entière liberté d’action et bénéficier ainsi du fruit de leur labeur.
Des moyens logistiques importants sont mis à la disposition de la troupe qui bénéficie de conditions de tournée dont peuvent disposer les troupes de niveau international; fait fort rare pour les compagnies africaines qui se débattent le plus souvent dans des problèmes insolubles de structures et d’organisation et qui n’arrivent pas à passer le cap difficile de la professionnalisation, faute d’un encadrement spécifique et de moyens de production conséquents.
Les tournées ne dépassent pas trois mois afin que les artistes ne perdent pas le contact avec leur famille et leur environnement social. Une politique de hauts salaires leur permet d’envisager l’avenir avec une certaine sérénité même si la pression familiale africaine n’est pas de tout repos!
La rencontre avec le producteur Bernard Schmidt, français installé à New York, a donné une dimension internationale au groupe et a permis à François de se consacrer à la direction artistique.
Aujourd’hui WOFA! est l’une des compagnies indépendantes les plus intéressantes d’Afrique de l’Ouest par le talent et la détermination qui habitent ses artistes. Cette véritable rencontre entre un créateur européen et des artistes africains est devenue un label de qualité reconnu dans le monde entier.
© François Kokelaere - Première publication en Janvier 2000
Sources : © Wongaï Productions - Photo de Jean-Pierre Estournet |
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Mais qui est François Kokelaere ?
Description : Wassa
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Description : Foulé et Fatouabou : Wofa !
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Description : Naby Bangoura
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