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Fran�ois Kokelaere · Inscrit le: 24 May 2002 Messages: 355 Localisation: Plan�te Terre

��Nouvelle approche du Petit Sorcier � l'Arc Musical �

Il y a des mythes qui ont la peau dure� Ce ��petit sorcier � l�arc musical�� de la grotte des Trois Fr�res, situ�e en Ari�ge (Midi-Pyr�n�es, France), (figure 1) nous a fait r�ver comme il a fait r�ver des g�n�rations de po�tes et d�illumin�s dans mon genre, qui voyaient en lui la premi�re repr�sentation picturale d�un acte musical. Et puis, les chercheurs du CNRS sont venus, avec force arguments scientifiques, nous d�montrer par A plus B qu�il ne s�agissait que d�un vulgaire acte de chasse. D�sillusion� L� o� il nous plaisait de voir, avec l�abb� Breuil (un autre mystique du d�but du si�cle dernier, premier investigateur du site en question et qui en fit une gravure pr�cise), les pr�mices d�une intention musicale, une sorte de guimbarde pr�historique port�e � la bouche d�un �trange chaman recouvert de peau de b�te, nos bien-aim�s chercheurs n�y ont vu qu�un chasseur accroupi.

Ces braves chercheurs ont �t� tout de m�me d�licats car ils nous ont signifi� ��une nouvelle approche de la gravure du ��petit sorcier � l�arc musical�� de la grotte des Trois Fr�res�� comme s�ils savaient bien qu�il ne faut pas trop bousculer les r�veurs, ces �tres fragiles qui croient encore aux sortil�ges. Ils ont parl� ��d�une analyse diff�rente qui pourrait apporter quelques indices sur l�utilisation de l�arc de chasse au Pal�olithique sup�rieur��. Avec infiniment de d�licatesse et de pr�caution, et afin de m�nager notre susceptibilit� de r�veurs tourment�s, ils nous ont clairement expliqu� que nous nous �tions compl�tement gour�s.

Dommage, on aimait bien l�id�e que nos lointaines anc�tres faisaient d�j� de la musique au fin fond de leurs cavernes pr�historiques.

La question qui nous taraude jour et nuit reste enti�re�: est-ce que nos lointains anc�tres du Magdal�nien faisaient de la musique�et comment s�y prenaient-ils�? H�las, il nous faudra attendre l�invention de la machine � remonter le temps pour avoir quelques r�ponses.

Alors on peut tout imaginer�: qu�ils chantaient, qu�ils tapaient en rythme sur des troncs d�arbre �vid�s, qu�ils dansaient au son du vent et de la pluie, qu�ils martelaient le sol de leurs pieds nus, qu�ils transformaient leur arc de chasse en instrument de musique�?

Comment est n�e la musique�? Il ne s�agit s�rement pas d�un acte isol� mais plut�t de mille et une circonstances appropri�es.

En fait, cela a-t-il vraiment de l�importance�? Les traditionnels ont r�solu depuis longtemps le probl�me en nous expliquant qu�elle venait des ��dieux��!

Allez, va pour les dieux, en attendant que les chercheurs nous expliquent qu�ils n�existent pas.

Un petit peu d�histoire et de g�ographie [Extrait de http://prehisto.ifrance.com/nouvellepage2.htm]

La grotte des Trois Fr�res et le Tuc d'Audoubert appartiennent au m�me syst�me et, comme l'�crivait Breuil, ��peu de d�couvertes ont, plus que celle-ci, une jolie tournure de roman��. C'est en 1910 que les trois fils du comte B�gouen, sur une embarcation, explorent le r�seau souterrain et d�couvrent de vastes galeries o� l'un d'eux, le 10 octobre, brise une draperie stalagmitique qui masquait un long couloir.�Et les trois fr�res p�n�tr�rent, les premiers depuis l'Age du Renne, dans une salle terminale o�, appuy�s contre une roche, deux bisons d'argile les attendaient depuis plus de 10 000 ans.

Or cette �tonnante trouvaille eut une suite. En 1916, les trois fr�res, mobilis�s, profitent d'une permission pour explorer un trou du plateau calcaire. Ils ressortent par l'entr�e d'Enl�ve, apr�s avoir acc�d� � un vaste complexe de salles et galeries orn�es de gravures. La caverne des Trois Fr�res est d�couverte. Parmi les figures, l'une des plus �nigmatiques de l'art pal�olithique : le sorcier, cornu, mi-homme, mi-animal, alimenta bien des ex�g�ses sur la signification de l'art pr�historique.

L'abb� Breuil, qui fit le relev� de cette gravure de la grotte des Trois Fr�res, y voyait quelque h�ros mythique commandant au monde animal � l'aide d'un arc musical.

Les �tres �nigmatiques, cornus, mi-hommes, mi-animaux ou les personnages masqu�s sont en nombre restreint. Le plus fameux est le Sorcier de la grotte des Trois Fr�res. Situ� � 4 m de haut, sur la vo�te, dominant un fouillis d'animaux, il est grav� et en partie peint en noir. L'abb� Breuil en fit la description et l'interpr�tation suivantes : "Vu de face, cette t�te a des yeux ronds pupill�s entre lesquels descend la ligne nasale se terminant par un petit arceau. Les oreilles dress�es sont celles d'un cerf ; sur le bandeau frontal peint en noir �mergent deux fortes ramures �paisses sans andouillers frontaux, avec un seul andouiller court d�j� assez �lev� au-dessus de la base, apr�s lequel chaque branche se coude vers l'ext�rieur pour se diviser � nouveau en deux � droite et trois � gauche. Il n'y a pas de bouche, mais une tr�s longue barbe stri�e tombant sur la poitrine. Les avant-bras sont relev�s et joints horizontalement, se terminant par deux mains juxtapos�es, � doigts courts et tendus ; leur couleur est d�lav�e, presque disparue. Une large bande noire cerne tout le corps, s'amincissant � l'ensellure lombaire et s'�tendant aux membres inf�rieurs fl�chis. Un point marque la rotule de gauche. Les pieds, orteils compris, sont assez soign�s et marquent un mouvement analogue � celui de la danse du "Cakewalk". Le sexe m�le, accentu�, non �rig�, est rejet� en arri�re, mais bien d�velopp�, ins�r� sous une queue abondante (loup ou cheval) � petite houppe terminale. Telle est �videmment la figure que les Magdal�niens consid�raient comme la plus importante de la caverne et qui nous para�t, � la r�flexion, celle de l'Esprit r�gissant la multiplication du gibier et les exp�ditions de chasse."

� ces �tres s'ajoutent quelques contours impr�cis qui �voquent les "fant�mes" de l'imagerie humoristique, avec des yeux ronds au milieu d'un suaire et qui ach�vent de montrer combien la repr�sentation de la figure humaine par les Pal�olithiques est caricaturale alors que nombre de dessins d'animaux montrent la pr�cision et la justesse de l'observation qu'ils pouvaient atteindre.

Extrait de ��une nouvelle approche de la gravure du ��petit sorcier � l�arc musical�� de la grotte des Trois Fr�res��
de Fr�d�ric Demouche, Ludovic Slimak, Daniel Deflandre LAPMO � CNRS � Universit� de Provence.

A propos de la gravure : ��Le ��sorcier�� est g�n�ralement associ� � deux animaux le pr�c�dant dont l�un semble se retourner pour le regarder, ce qui ne sugg�rait pas obligatoirement une stricte contemporan�it� de ces deux �l�ments, mais une possible interaction��. La multitude des animaux figur�s sur ce panneau (dans sa globalit�) cr�e une impression d�anarchie qui rend d�licate toute tentative d�association de ce personnage (le sorcier) avec les gravures qui l�entourent. L�objet de cette �tude porte donc sur la seule figure du ��petit sorcier � l�arc musical��.

Interpr�tation classique
Cette gravure �tait consid�r�e comme ��un homme bison jouant de l�arc musical�� (B�gou�n et Breuil 1958) interpr�tation motiv�e par l�existence de ce genre d�instrument en Afrique du Sud. Ces m�mes auteurs sp�cifient toutefois que cette sorte de ��gros cigare��, fait de deux traits, l�un rectiligne, l�autre un peu ��courbe��, pourrait �galement �tre un instrument de musique � vent (fl�te).

La posture intrigante du personnage (comme celle d�ailleurs de la majorit� des �tres composites) serait, toujours selon les auteurs, la repr�sentation d�une danse, consid�r�e d�s lors comme un acte de magie cyn�g�tique. Cette interpr�tation est admise par J.Clottes (993,�p.197�; Clottes & Lewis-William 1996, p.84) qui parle de chamanisme.

Nouvelle approche
Ces �l�ments nous ont conduit dans une autre direction que celle prise par H.B�gou�n et H.Breuil (1958). Le premier concerne la posture elle-m�me du personnage. S�il s�agit d�un ��sorcier�� dansant, debout, la queue devrait naturellement pendre vers le bas, dans le prolongement du torse, et non suivre le mouvement de la cuisse ��relev�e��. Le second a trait � la position des bras, tendus vers l�avant et dont aucune des extr�mit�s ne touche ��l�arc musical��. Cette position ne semble gu�re compatible avec celle d�un joueur d�instrument.

Ce sont ces d�tails qui tendent � faire basculer le sens de cette figure�; en effet, sur l�ensemble du panneau, il n�y a pas de plan horizontal unique, et s�il semble exister une horizontale principalement utilis�e, certaines gravures se retrouvent sur un plan vertical. Si l�on cherche � restituer une coh�rence � tous ces d�tails, une seule position semble �tre possible�: le personnage doit se comprendre � quatre pattes sur un sol que l�on pourrait mat�rialiser par une ligne imaginaire (figure 2). D�s lors, la position de la queue semble naturelle, puisqu�elle ��tombe�� le long de la cuisse. Les bras, quant � eux, s�appuieraient sur le ��sol��. Remarquons que l�extr�mit� de ��l�arc musical�� se situe au m�me niveau que les extr�mit�s des bras et le genou, ce qui conforterait cette nouvelle lecture. De plus, l�aspect bossu du personnage s�accorderait avec le d�guisement et la position quadup�de du ��sorcier��. Dans cette optique, le personnage d�pendrait d�une horizontale diff�rente de celle de la majorit� des animaux repr�sent�s. Dans ce cas, la repr�sentation verticale d�un �tre � quatre pattes pourrait exprimer un effet de profondeur.

Si nous associons cette gravure aux autres repr�sentations du panneau, sa position pourrait signifier que le personnage contourne le gibier.

Nous aurions alors, en plus de la technique de chasse � l�arc, la description d�une m�thode d�approche du gibier dont l�expression graphique ne pouvait �tre exprim�e que par un emploi de la profondeur.

Vers de nouvelles perspectives
Il nous semble possible de d�gager une nouvelle perspective dans la lecture de cette gravure, sans aborder sa valeur symbolique ou magique ; L�homme � quatre pattes pourrait �tre un chasseur recouvert d�une peau de b�te�: la queue, le pelage et la t�te permettent d�identifier un bison (figures 3 et 4). L'�arc que le personnage tient dans sa bouche ne peut plus �tre interpr�t� comme un instrument de musique mais plut�t comme un arc de chasse v�ritable (signalons que l�emploi d�arc de petite taille est attest� chez des tribus d�Am�rique du Nord et du cercle polaire, pour chasser le grand gibier.

� Fran�ois Kokelaere

Sources et ouvrages � consulter

http://prehisto.ifrance.com/nouvellepage2.htm

Philippe Fouchard · Inscrit le: 13 Aug 2004 Messages: 575

Passionnant Ma�tre Fran�ois !

Lionel Tessier · Post� le: 13 Nov 2008 21:11 Sujet du message:

vraiment passionnant et limpide...

c'est vrai que c est (c etait !) une reference que j utilisais....

Merci!

p.s.; je preferais l ancien avatar!
Smile

Fran�ois Kokelaere · Post� le: 14 Nov 2008 17:32 Sujet du message:

Ok, Lionel, j'ai chang� mon avatar et mis quelque chose de beaucoup plus ressemblant...

Ce n'est pas un peintre pr�historique qui l'a fait mais le plasticien JCh Fischer avec qui je travaille depuis plusieurs ann�es. Et l�, pas d'ambiguit�, c'est bien un joueur d'arc musical qui est repr�sent�!

brAKAss · Inscrit le: 23 Jun 2006 Messages: 17

bonjour,

personnellement j'aime bien l'id�e d'une repr�sentation mystique du personnage. c'est une interpr�tation toute personnelle, mais il me semble que l'on trouve dans de nombreuses cultures, un personnage "magique"
(chamane/sorcier/devin...), qui par une pratique de danse, de chant ou de musique, acc�de aux savoirs utiles a la communaut�, (plantes comestibles,
flux migratoires...)
entre les vaines et condescendantes r�ponses de nos chercheurs et le monde "tourment�" des r�veurs, j'ai choisi mon camp.

merci M. Kokelaere de si bien provoquer l'imaginaire...

p.s.; �a serait amusant de connaitre l'interpr�tation de nos descendants (si il y en a !), de cet avatar repr�sentant l'arc en bouche.

A +

fred